L'hypocrisie est un vice à la mode et tous les vices à la mode passent pour vertus.

Je l'ai attendu, le voilà ce Dom Juan et Sganarelle. Très fraîchement vu, il faut absolument que j'écrive un petit fouillis spontané.

Unique. Suspendu. Hors du temps, hors de tout.
Redécouverte réussie, nouvelles compréhensions d'instants et de personnages.

Vincent Macaigne nous signe-là un beau morceau pour Arte.
La photographie est impeccable, on est très facilement égarés dans ce décor parisien si familier. Et puis il s'est tout de même armé d"une belle brochette d'acteurs du Français:
Loïc Borbery éclate tout autour de lui en Dom Juan, il est fou, il est animal, c'est un salaud écorché vif. J'ai même compris qu'il se déteste. Caprice sur caprice, joins sur injections, larmes sur rires sataniques, femme sur femme, voyeurisme sur tendresse, transe sur vide intérieur.
Serge Bagdassarian incarne un Sganarelle dépassé, las, toutefois entièrement dévoué à son Dom Juan, il l'aime éperdument, il lui dessine des tatouages étranges au marqueur noir et bleu sur tout le torse et les bras, il lui chante le Don Giovanni de Mozart... Il a été témoin de tellement de scènes scandaleuses qu'il porte en lui un poids énorme, déchiré entre loyauté et désespoir. Sganarelle n'a ici pas du tout ce côté "bouffon du roi" bien trop utilisé au théâtre. Il est crédible et humain.
Et puis Suliane Brahim morte de peine, le coeur déchiré, dépourvue de lui (elle m'a tellement plus touchée en Elvire qu'en Gennaro au théâtre...). Dommage qu'on ne la voit pas assez.
Et puis Claire de la Rüe du Can, sortie de mon petit conservatoire il y a quelques années, qui nous livre une mystérieuse, ingénue et si belle Mathurine. Si belle. Dans la lueur de la nuit et du lac. (mention très très spéciale à cette scène d'amour entre Dom Juan et Mathurine, séparés par une fenêtre. sublime.)

J'ai plein de questions à poser à Vincent Macaigne. Pourquoi ce parti pris, pourquoi ce décor pour cette scène, pourquoi cette violence parfois, pourquoi ce plan-là... Pourquoi cette longue scène si gênante entre Charlotte et Pierrot. Pourquoi chanter la Marseillaise à poil en pleine partouze. Pourquoi Pierrot apparaît comme un singe en chaleur qui s'astique devant un documentaire et surtout devant Charlotte qui semble n'être qu'un pantin désarticulé. Pourquoi ces seringues dans le restaurant, et pourquoi Dom Juan bave du noir. Pourquoi cette image si rapide et non-expliquée du Commandeur. Pourquoi un Dom Carlos... aussi ridicule. Et je me suis même demandé si Dom Juan et Sganarelle avaient déjà fait l'amour ensemble, un jour...

Je DOIS le revoir. L'analyser. Mieux le comprendre. Apprivoiser la brute.
Dom Juan et Sganarelle, c'était beaucoup de couleurs et d'encre d'un coup.

Don Giovanni a cenar teco
m’invitasti e son venuto!