Une oeuvre d'art cinématographique teintée de philosophie

12 jurés pour statuer sur le sort d'un jeune homme accusé de meurtre. Si il est coupable, il est condamné à mort. 11 le pensent coupable. Un seul, le juré Davis, incarné par le génial Henry Fonda, ( vu dans Il était une fois dans l'Ouest ) a des doutes.

C'est le mot "doute" qui est ici intéressant. En effet, Davis ne dit pas détenir la science infuse ou la vérité absolue. Non, il a un "doute légitime". Un doute qui doit faire exprimer des doutes aux gens, ne pas aller trop vite en besogne, mais savoir se poser pour réfléchir. Le facteur spatio-temporel est important dans ce huis-clos : une salle de délibération exigüe, une chaleur intense, le ventilateur en panne... Autant de raisons de vouloir en finir avec cette affaire au plus vite pour sortir de l'étouffement. Mais plus encore, les doutes de Davis qui gagnent l'assistance révèlent les motivations et les préjugés de chacun, les failles du système judiciaire US : pas d'attention portée aux détails ( le couteau, le bruit du train... ), l'accusation de dépravation de la jeunesse...

Le "doute légitime" traverse le film comme le couteau dans la table. Il nous ronge, et c'est du côté d'Henry Fonda que l'on se range. D'abord parce que sinon, il n'y aurait pas de film. Ensuite parce que les autres jurés semblent trop obtus, mal préparés. Ils sont 11 sophistes agissant dans leur propre intérêt contre un seul qui agit dans un intérêt rhétorique, 11 convives voulant exécuter un Christ, face à un anti-Judas. Ils cachent tous quelque chose, et c'est ce juré, aussi inconnu qu'eux, tout de blanc vêtu, tel un spectre, qui va venir en arracher les racines.
Sidney Lumet, pour son premier film, et avec 300000 $ en poche, exploite parfaitement l'espace, le temps ( tant météorologique que mécanique ), utilisant des plans rapprochés pour accroître le sentiment d'étouffement, de tensions grandissantes à la manière d'un électrocardiogramme. Que va-t-il se passer ? Bagarre, accord, désaccord ? 1h30 de plongée en apnée dans un suspense insoutenable. Même les nuages retiennent leur souffle avant de lâcher un orage de chaleur. Mais c'est pour finalement ressortir rasséréné, nul doute ici sur la qualité du film. Moralité ? Hâtez-vous lentement
Léo_Corcos
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le 25 sept. 2013

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