Depuis leur création, Pixar et Dreamworks, les deux géants de l'animation, ont toujours vécu dans une ambiance de rivalité intense. Déjà, à l'époque, leurs premiers films avaient des relents de plagiat. On se demandait bien qui copiait sur la feuille de son voisin (« 1001 Pattes » contre « Fourmiz », et «Le Monde de Némo » contre « Gang de Requins »). Pourtant, les deux lascars sont loin d'être sur un pied d'égalité. Alors que les studios Pixar déploient des efforts considérables pour se renouveler à chaque nouvelle sortie, en proposant des univers uniques et indépendants, Dreamworks donnent l'impression de se complaire dans le second degré et les clins d'œil forcés à la pop culture. Evidemment, on oublie bien souvent qu'ils sont aussi responsables des très sérieux « Prince d'Egypte » et de « Spirit, Etalon des Plaines », mais passons.

Entre « Shrek » qui passe les contes de fées à la moulinette, ou encore « Monsters VS Aliens » et « Megamind » qui parodient la SF des années 50, les studios ont rarement recherché davantage que l'attrait d'un jeune public friand de divertissements simplistes, bourrés de vannes référentielles. Pire encore, quand Pixar continuent de rafler des statuettes chaque année avec des œuvres fraiches et entièrement originales, Dreamworks pressent leurs licences phares comme des citrons et multiplient les suites ad nauseam. L'exemple majeur n'est autre que la saga « Shrek », qui compte à elle seule 4 épisodes et un spin-off. De fait, il est facile de voir, non sans une certaine ironie, pourquoi Pixar sont considérés comme la « machine à rêves » - « Dreamworks » - tandis que son concurrent se voit rabaissé à un vulgaire faiseur mercantile.

Mais depuis quelques années déjà, Pixar est en perte de vitesse, et aussi en panne d'inspiration peut-être, et se rabat sur ses premiers succès pour prolonger les aventures de ses héros avec plus ou moins de succès. Si la trilogie « Toy Story » se place fièrement en haut du podium, « Cars 2 » et « Monsters University » sont indéniablement inférieurs à leurs prédécesseurs. De même, « Rebelle », leur dernier projet en date, sent le Disney réchauffé et n'a pas réellement convaincu le public. Une période creuse pour le studio, donc, qui jette un froid sur leur notoriété. Le comble, c'est qu'au même moment, on se rend compte que si Dreamworks continuent leur lancée dans la production de suites sans fin, ces dernières se révèlent étonnamment brillantes, parfois même supérieures à leur modèle. « Shrek 2 », « Madagascar 2 et 3 », « Kung Fu Panda 2 » sont de cette trempe. Désormais, il faudra aussi compter sur « How to Train your Dragon 2 ».

Malgré un scénario prévisible et des situations convenues, les premières aventures de Harold et de son dragon de compagnie ont enflammé les foules. Il était normal qu'une suite se mette aussitôt en chantier. Première constatation: un véritable respect pour l'œuvre originale. L'aspect visuel et sonore est toujours aussi merveilleux. On replonge avec plaisir dans le monde fantastico-médiéval coloré et enchanteur du film, et on frissonne de plaisir lorsque retentissent les envolés lyriques de John Powell. Bien entendu, on apprécie de retrouver tous nos personnages favoris (et on accueille les nouveaux à bras ouverts, notamment Cate Blanchett en hippie, version « Dragons dans la brume »...), et on admire une fois de plus le travail d'écriture et de doublage, qui les rend si mémorables et attachants.

En revanche, si le film dépasse de loin son modèle, c'est grâce à un scénario bien moins conventionnel que le précédent. Il semble que Dreamworks ont découvert la recette miracle pour faire une suite digne de ce nom : plus que l'aspect lucratif, le script doit être la raison principale de continuer à faire vivre une licence. Ici, l'histoire, classique aux premiers abords, surprend par sa richesse et sa maturité (les personnages ont tous grandi). Pour ne pas dire une certaine noirceur. Le réalisateur et scénariste Dean Deblois (également créateur du sous-estimé et très émouvant « Lilo et Stitch ») instaure une sensibilité rare dans un univers à la fois tangible et convaincant. Sa mise en scène déborde d'énergie et tout s'enchaîne sans un instant de répit, si bien que même lors des scènes les plus bavardes, on n'aura pas le temps de sentir pointer l'ombre d'un bâillement. Au milieu d'affrontements spectaculaires et incroyablement inventifs, on est emporté par un torrent d'émotions, qui enrichissent les relations entre les protagonistes et font honneur à la thématique du film (le respect des différences entre les peuples, et le passage difficile à l'âge adulte). On rit (souvent), on pleure (parfois) et on en prend constamment plein les mirettes.


« How to Train your Dragon 2 » ne remplit pas seulement le cahier des charges de toute séquelle qui se respecte, il la transcende. On parle ici d'un excellent film d'aventures, au souffle épique, digne des grandes productions hollywoodiennes. Mais avec un cœur et une âme, qui font la différence entre un simple produit de divertissement et une œuvre incontournable pour tous les fans de cinéma. Alors que Pixar font feu de tout bois pour maintenir leur réputation, ces dragons descendent la concurrence en flammes.
Nazgulantong
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le 18 oct. 2014

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