Une fresque éthique et poétique au format road movie

Drive, ou comment faire d'un film épique et violent une fresque poétique et esthétique?

Au premier abord, le film n'a rien de séduisant: casting peu connu, réalisateur cantonné dans les films de testostérone, et histoire de voiture. Mais, prix de la mise en scène à Cannes, Drive se révèle être l'une des meilleures sorties de 2011 et s'avère être en réalité un polar aérien et sensible.

NWR nous narre l'histoire d'un jeune driver plongé dans un sombre règlement de compte mafieux. Et c'est là tout l'intérêt du film: le héros, ou anti-héros qui se dévoile au fur et à mesure du film.
La force du scénario réside en effet dans son héros atypique portant en son sein un côté sombre et un côté clair, lumineux, presque angélique. Certes la métaphore est caricaturale mais le réalisateur parvient à sortir de ce carcan idéologique pour filmer simplement l'histoire d'un jeune homme profondément étranger et partagé, voir même coupé en deux, à la limite de la schizophrénie parfois en témoigne les scènes où un baiser langoureux et délicat est suivi d'une bagarre sanglante et tragique. Un côté sombre et un côté clair donc, symbolisés par sa veste réversible et ses gants de cuir qui semblent lui enlever toute humanité lorsqu'il les enfile délicatement. Cette dualité est également suggérée par les jeux d'ombre et de lumière portés sur son visage. Nous devons en effet attendre le quatrième plan du film avant de découvrir le visage de notre héros. Son visage, c'est finalement le seul indice que nous ayons sur lui. Ni passé, ni nom ne sont révélés au spectateur, tantôt surnommé le driver ou le "gosse", notre pilote n'a pour seule identification un symbole de scorpion cousu au dos de sa veste. Cet homme sans passé ni nom donc est interprété de manière magistrale par Ryan Gosling. L'acteur signe un rôle extrêmement difficile, en ce que son personnage arrive à devenir attachant malgré son mutisme, ses regards en dessous, son mal être et sa double vie. Son regard constamment plongé dans le vide nous fait succomber, tout comme sa fragilité qui se révèle et se réveille au contact de sa voisine et de son fils. Cette famille sera d'ailleurs son seul repère bons et lumineux sur ce Los Angeles profondément sombre que nous offre NWR.
Parlons de repères justement, si notre héros en un, le spectateur lui n'en a pas. Volonté habile du réalisateur que de nous priver des repères spatio-temporels de base tels le nom des personnages, la période de temps qui s'écoule, l'époque, le lieu. Nous ne possédons que le lieu, et le nom de la bien aimée du héros: Irène, qui, comme l'étymologie de son nom en référence à l'irénisme le suggère, est ici pour apporter la paix dans un monde de criminels et de maffieux. Si elle n'y parvient pas au début, elle amène une zénitude intérieure à notre héros qui semble sorti purifié par les combats qu'il mène pour elle et son fils.
A cet égard, nous retrouvons l'adrénaline du film Taxi Driver de Scorsese où un driver se prend également d'affection pour une femme et démantèle un réseau maffieux pour la protéger. NWR s'inspire donc des polars des années 1980 et pourrait placer son film à la même époque. Il signe un film au rythme faussement lent volontairement kitsch et rétro, en témoigne la bande son électro et dynamique du film, impeccable et en phase avec la lenteur de la narration, mais suffisamment énergique pour tenir le spectateur en haleine.
Prix de la mise en scène à Cannes, le réalisateur opère une sorte d'hypnose visuelle symbolisée par les routes qui défilent sous nos yeux et nous transportent à l'image d'une voiture. Les ralentis et la lenteur contrastent parfaitement avec le côté thriller et histoire de mafia dans lequel est plongé notre héros, qui vient se ressourcer au bord de l'océan ou près d'une rivière, véritable havre de paix qu'il va partager avec la famille pour laquelle il se bat.

Une sorte d'ange sorti de l'ombre au volant d'une voiture s'installe et s'insinue dans le présent d'une famille en crise pour tenter de lui apporter la paix, une belle réussite, une œuvre poétique, un grand film.
Cerise_V_
8
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le 21 oct. 2014

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Cerise_V_

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