Prix de la mise en scène au festival de Cannes 2011, donc. Evidemment, ça pousse à faire un peu plus attention à la réalisation que d'habitude.
Je ne sais pas si j'aurais été aussi attentif autrement, mais il y a certains éléments à côté desquels je ne serais sûrement pas passé.
La mise en scène, c'est la seule chose vraiment irréprochable dans ce film.
J'ai l'impression que pratiquement à chaque fois, le réalisateur a réfléchi à des façons de se démarquer des autres cinéastes, et comment placer les éléments dans l'image de façon à la fois originale et significative.
Lors du traveling à la sortie de l'ascenseur du héros et de la voisine, la position des deux l'un par rapport à l'autre mais aussi leur place dans l'image signifie quelque chose. Et même quand la caméra tourne au détour du couloir, son déplacement et celui des acteurs font que ces derniers sont toujours placés dans le cadre de sorte à indiquer quelque chose, ou plutôt entre eux, ces deux voisins.
Le réalisateur fait donc preuve d'une superbe gestion des décors pour y faire circuler la caméra et les acteurs, comme le prouve aussi l'utilisation de cette "fenêtre" dans la cuisine qui permet de voir les acteurs depuis cet endroit alors qu'ils sont dans la pièce à côté et arrivent seulement après dans la même pièce que la caméra.

Winding Refn se sert aussi du cadre pour exprimer des choses qui ne seraient pas visibles autrement, ou pour confirmer nos suppositions. Quand le mari de la voisine raconte comme ils se sont rencontrés lors d'un repas de famille où le héros est aussi invité, on se demande déjà s'il ne raconte pas cette histoire vis-à-vis du personnage principal, alors même qu'il fait comme s'il voulait raconter ça à son fils. Mais quand l'épouse se prête aussi au jeu en racontant, on se demande aussi si le rapport est plus fort entre elle et son mari, ou elle et le héros. Le cadre, qui finit par ne garder qu'elle et le héros, nous répond.
Et ce qu'on peut encore moins reprocher à Drive, c'est sa photographie et sa lumière, toujours très appliquées.
Les silhouettes sont découpées par l'éclairage, la source de lumière est toujours bien placée, je pense par exemple à ce plan où un personnage mort est éclairé de sorte qu'on ses yeux soient dans l'ombre de ses arcades sourcilières, ce qui crée deux trous noirs à la place des orbites, comme sur un crâne. Ca m'a fait penser à Frayeurs de Fulci (Catriona MacColl !).
Il y a aussi pas mal de néons dans les scènes de nuit, qui offrent une atmosphère particulière, douce mais artificielle.
A l'inverse, le truc vraiment naze que je peux reprocher à Drive, c'est sa BO. Le son décuplé et donc déformé de la salle de cinéma doit aussi y être pour quelque chose, mais la partie électro de la chanson du début semblait affreuse. Ca va mieux ensuite, mais les morceaux n'ont rien de bien plaisant ou accrocheur non plus.

Drive, on dirait que c'est le résultat d'un scénario de film policier pur et dur tombé dans les mains d'un réalisateur type "films d'auteur", qui essaye aussi d'expérimenter.
C'est quand même un petit OVNI cinématographique que ce Drive.
C'est lent, mais ce n'est pas tant ce qui m'a dérangé.
On pourrait penser à une adaptation de GTA III, au vu du milieu des gangsters présenté, mais aussi en rapport au personnage principal.
Ryan Gosling, c'est un nom qui me semble connu, mais je ne sais pas d'où il sort ce type. Et ce n'est pas avec Drive qu'il va mettre en avant son jeu d'acteur. Son rôle exige qu'il ne parle que très peu, pratiquement pas au début, et qu'il sourie juste un peu bêtement quand il veut être gentil avec les gens, en opposition aux cas où il fait la tête sans rien dire.
On s'imagine que le type fait ça par professionnalisme, il n'a qu'une chose en tête : accomplir ce qu'on attend de lui, et ça s'arrête là.
Le problème, c'est que pour les besoins du scénario, il doit s'attacher à une femme. Ah. Mince alors.
Il y a un enfant avec elle, ce qui est un bon moyen de commencer à tisser un lien entre eux, quand le héros se montre gentil avec le fils. Et comme les gens normaux ne disent pas directement "j'ai passé un bon moment" à moins d'avoir eu un rencard, la voisine dit au héros en parlant de son fils "il a passé un bon moment", après une ballade en voiture. Ballade en voiture au cours de laquelle, pour accélérer les choses, on les a aussi vus s'arrêter au bord d'une rivière pour jeter des cailloux. Ouhla, ça va un peu trop vite, pour montrer en peu de temps l'évolution de la relation ; rétrogradons un peu (ouais, je vais passer mon permis, ça se voit).
Mais le héros n'a absolument rien à dire à la femme, il répond d'ailleurs peu aux questions, ou attend au moins 5 longues secondes avant d'y répondre. Quand il veut en quelque sorte s'adresser à elle, il sourit juste comme un idiot. Et il lui dit être libre le week-end, si elle a besoin d'une voiture. C'est à peu près tout.
Ce type est complètement inexpressif, mais il est nécessaire qu'il ait une relation, pour qu'il y ait un enjeu plus tard ; l'histoire classique de la femme menacée. On est habitués au cinéma aux relations faciles et forcées, mais là le personnage est si vide que ça m'a dérangé. Enfin bien sûr, c'est Ryan Gosling, si ça avait été quelqu'un d'autre, je suppose que la femme ne serait pas allée vers lui.

Ah et puis les discussions dans le vide avec des longs silences entre chaque réplique, pour montrer une sorte d'impossibilité de communiquer, j'en ai un peu marre.
Le héros conduit avec sa voisine et son fils à côté, il ne dit absolument rien, puis au bout d'un moment il se tourne vers la femme et dit "vous voulez voir un truc ?". La voisine se tourne vers son fils avant de répondre, comme si elle se demandait "quoi, il va quand même pas faire ça devant Benicio ?". En fait il les emmène s'amuser en voiture, comme si c'était sa seule façon de s'exprimer. Et comme si ça suffisait, pour tisser un lien avec quelqu'un.
C'est cet aspect du film qui m'a gonflé.
D'ailleurs le réalisateur, toujours dans une optique similaire, démonte les attentes du public. On aurait pu penser qu'il y aurait une grosse course-poursuite au début, mais finalement le héros se planque simplement. Bon, là c'est encore honorable. Il y a une poursuite plus tard, mais elle est vite stoppée. Et quand le héros s'en prend aux deux grands méchants, alors qu'on aurait pu s'attendre à des morts magistrales et/ou plus plaisantes que les autres, pas du tout. Il y a une mort par noyade (pas de sang, donc pas de plaisir) qui est ellipsée, et puis un poignardage vu uniquement via l'ombre des personnages durant toute la scène.
Ca devient donc étonnant quand, tout d'un coup, on a un moment de grande violence. J'ai été marqué par un headshot au fusil à pompe vu au ralenti, ça c'est rare. Mais une fois que c'est fini, le héros reste immobile un bon moment, histoire de bien faire redescendre la tension.
Voilà, le réalisateur veut tellement s'opposer à ce qui est fait traditionnellement, tellement déconstruire ce qui se fait et ce qui plaît d'habitude, de par le calme de son film, que ça m'a gonflé.
Mais c'est surtout cette insistance du réalisateur qui m'a déplu.
Bah tiens, par exemple, quand le héros démonte un méchant dans la loge de danseuses de cabaret, elles restent toutes parfaitement immobiles, posant vraiment pour le film. Ca en devient n'importe quoi, cette volonté de vouloir tout figer, tout rigidifier.

Ce que je ne comprends pas trop, c'est que, alors qu'il veut se démarquer, Winding Refn nous ressert des clichés qui m'ont déjà saoulé depuis longtemps : la musique de tension qui diminue, puis disparaît totalement, juste avant qu'un gros son survienne dans le but de faire sursauter. Avec le son qui disparaissait, me suis dit "non, ce mec il ne va quand même pas faire ça", bah si... Déçu.
Et puis je ne comprends pas trop pourquoi avoir ajouté cette touche comique malvenue qu'est le sang que le personnage garde sur son blouson en se baladant tranquillement sur un plateau de tournage. Pourquoi ces meurtres, tout d'un coup, comme le type qui se reçoit une fourchette dans l'œil ?
Et cette scène de baiser dans l'ascenseur qui se prolonge, tandis que le tueur, juste à côté des deux amoureux, ne bouge pas d'un pouce ?
What the hell ? Ce n'est même pas une scène de rêve, comme le prouve après le fait que la femme se touche la lèvre quand le héros lui téléphone.

Ouais, bon, ça allait, c'est plutôt innovant et il y a une once de talent, mais il y a des trucs qui m'ont bien gonflé.
Fry3000
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le 6 oct. 2011

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