Il s'est enfin passé suffisamment de temps depuis la sortie de Drive pour que je puisse le voir sans devoir affronter la cohorte des "Tu l'as vu? T'en penses quoi? C'est beau hein? C'est bien." Le voir et apprécier sa B.O. qu'on a enfin arrêté de passer en soirée. J'ai toujours peur de me confronter à un film qui provoque l'adhésion générale, souvent c'est que ça n'est pas si bien.
Tout faux pour Drive.Plus je vois du Nicolas Winding Refn, plus je l'aime. On tient là un des rares réalisateurs qui se souvient que le cinéma, c'est aussi de l'image. Attention, il y a beaucoup de réalisateurs contemporains que j'aime bien, parce qu'ils sont doués pour raconter des histoires, ou les rythmer, ou trouver les acteurs qu'il faut. Et c'est tout aussi méritoire qu'un travail sur l'image, je ne résume pas le cinéma à ça. Mais reste qu'ils sont peu à faire le pari de l'esthétique envers et contre tout. Chose que réussit très bien NWR. Ses films, tout en retenue, sont autant de parcours de lieux, de spatialisation des êtres et des tensions, de visualisation d'une certaine vacuité du monde qui est toujours beauté. Voilà aussi un des rares réalisateurs a respecter le silence, à créer du mouvement là où les autres ne produisent que de l'agitation, à jouer du malaise aussi bien que de l'abandon sans concession du spectateur à son univers. L'irruption de la violence, jamais malsaine, te malmène et t'apaise à la fois, comme si un équilibre était en même temps rompu et rétabli.
Drive, c'est un peu le Guerrier Silencieux transporté à Los Angeles dans une voiture. Alors oui, Ryan Gosling a moins d'envergure que Mads Mikkelsen, et LA est moins radical que cet espèce de paradis infernal et désolé de One-Eye. Mais dans l'ensemble, on y retrouve les mêmes partis pris et paris de mise en scène. Oui, certains trouveront le film sans intérêt, parce que sans dialogue consistant (en même temps, si j'avais Carey Mulligan en face, moi aussi je ne trouverais rien à lui dire, quelle inconsistance cette fille), assez lent, avec des répétitions de scènes sans sens précis... C'est le genre de risque qui rend NWR si précieux.
J'avoue être étonnée de le voir récompensé avec Drive, parce que c'est un film plus "classique" (cela dit avec toute la prudence nécessaire) que les autres. Mais ça n'enlève rien à son mérite.
Ah oui, et pour la B.O. Très bien la B.O.