Dumbo
5.8
Dumbo

Film de Tim Burton (2019)

Neuf ans après sa première adaptation live d’un classique des studios Disney, Alice au pays des Merveilles (2010), Tim Burton remet le couvert avec sa très attendue nouvelle interprétation de Dumbo, conformément à cette nouvelle mode que le studio ne semble pas prêt d’abandonner. Le cinéaste, après plusieurs années en dent de scie, signe une œuvre habitée, bien qu’un brin schizophrène, aussi théorique que touchante.


Pour beaucoup, la carrière de Tim Burton a perdu tout intérêt depuis longtemps. L’œuvre charnière varie beaucoup selon les personnes, mais tout le monde semble à peu près d’accord pour dire que son Alice au pays des merveilles (2010) est de triste mémoire, sûrement, son pire film à ce jour. Peut-être me faut-il vous avertir que ce n’est pas mon cas, et même qu’après multiples visionnages de ce premier long-métrage Disney-live de son auteur je le considère comme son dernier chef-d'oeuvre. Œuvre malade, timbrée, au sens clinique du terme, son Alice au pays des merveilles reste à mon sens l’une des plus belles expérimentations de l’ère de l’entertainment numérique, déployant un univers souterrain sombre et fascinant – Underland plutôt que Wonderland – allégorie géniale et prophétique de ce qu’allait devenir l’imaginaire du blockbuster contemporain. Soit, une vaste poubelle grisâtre dirigée par une naine psychopathe – incroyable reine de cœur à la tête obèse incarnée par Helena Bonham Carter – où subsistent difficilement des figures dingues mais dévitalisées – la Chapelier Fou, le Lapin, les jumeaux, tous dépressifs – et des résistants naïfs mais grands – sa belle Alice incarnée par la géniale Mia Wasikowska. Un jour peut-être, je tenterai de réévaluer plus longuement ce film injustement conspué. Tout cela pour dire que le retour de Burton dans une entreprise Disney était loin de me faire peur. Au contraire, il me réjouissait plutôt. Et même s’il ne m’a jamais totalement perdu, Miss Peregrine et les enfants particuliers (2016) m’apparaissait déjà plus accompli que les trois précédents efforts de Tim Burton et me permettait d’attendre encore plus impatiemment ce Dumbo (2019).


Pourtant, la vague visiblement inarrêtable de remakes en live-action des classiques Disney n’est pas réjouissante, et de loin, la plupart de ces nouvelles versions ressemble au mieux à des relectures souvent pantouflardes, au pire à de pâles copies sans intérêt. L’ouverture de ce nouveau long-métrage balaye joyeusement cette peur du copier-collé. Comme dans Alice au pays des merveilles, Burton abandonne le générique de début comme marque de fabrique pour entrer directement dans le vif du sujet : un train de cirque qui file à tout allure à travers le pays. Burton l’affirme, il va prendre ce train et des chemins de traverse, plutôt que revisiter en chair et en os le classique originel. L’histoire sera d’abord celle de deux enfants vivants au milieu de cette troupe de cirque. Leur père revient de la guerre avec un bras en moins et leur mère est décédée en son absence. Nous courrons avec les enfants au milieu du cirque, et nous découvrons en même temps qu’eux leur père blessé. La surprise est de taille, nous ne démarrons pas avec Dumbo mais avec ces beaux êtres humains qui n’ont rien à voir a priori avec le fantastique, et dont les blessures ne sont pas des tours de magie. Dans ce cirque, le patron vient d’acheter une femelle éléphante enceinte. Elle donnera naissance à Dumbo, dont vous connaissez probablement déjà les qualités de voltigeur. L’événement Dumbo emmènera toute la troupe vers un immense parc de divertissement, le fameux Dreamland. Non sans rappeler l’enseigne qui produit l’objet, ce lieu de toutes les promesses se révélera être un cauchemar brutalement capitaliste et inhumain jusqu’à se transformer en figuration de l’enfer : une gigantesque usine de divertissements enfouie sous des flammes qui engloutissent tout. Théoriquement, c’est là que le film est le plus passionnant. A priori pur produit profitant d’un phénomène de mode nostalgique et parfaitement vain, ce Dumbo version Burton s’avère beaucoup plus schizophrène que ça. Il est intéressant de noter en ce sens que les scènes les plus faibles du récit, ou en tous cas les moins émouvantes, sont bien souvent ses passages obligés. La scène du fameux Baby Mine n’est par exemple pas du tout aussi émouvante que dans le dessin animé initial, et Burton semble la faire aller très vite, nous faisant presque regarder ailleurs, vers un petit groupe du cirque chantant la fameuse chanson autour d’un feu, plutôt que sur la mère en cage berçant son petit Dumbo. Quand Burton va plus clairement du côté du remake, il peine à mêler ses ambitions contraires, ce qui pose tout de même de vrais problèmes. A commencer par une première demie heure difficile à suivre et assez laborieuse.


Pour lire la suite:
https://faispasgenre.com/2019/03/dumbo-burton-critique/?fbclid=IwAR2Mfdh6kPcd5_Ck8rW7d45UHLSNEsI_RY6NsGIVbxGAnSRYEOm6SUPz6cQ

PjeraZana
7
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le 27 mars 2019

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