Prophétie nanardesque ou Elevated Blockbuster

Après un deuxième visionnage, je tends plus vers une prophétie nanardesque. J'essaierai de ne plus me faire avoir par de la branlette visuelle pseudo-narrative, Villeneuve ou pas Villeneuve.


Les critiques sont quasi-unanimes sur une chose, Dune c'est l'immensité. L'œuvre assoie son gigantisme esthétique éclipsant Star Wars et autre Star Trek. Les monuments, les paysages hostiles et le bestiaire dévorent les cadres, vous écrasent de leur immensité, vous, petit spectateur d'une salle IMAX.



Le Elevated Blockbuster : avec de l'anglicisme ça donne toujours un peu plus de crédibilité (ou pas)



Il est à se demander si Denis Villeneuve (Blade Runner, Premier Contact) et son chef opérateur Greig Fraser (Zero Dark Thirty, Rogue One : a Star Wars Story), ne participeraient pas à une éventuelle édification du Elevated Blockbuster : un successeur moins avare en pyrotechnie, partisan du contemplatif et de la narration visuelle.


Je me permets de faire cette supposition à la lumière des films horror-fantasy qui, depuis quelques années surfent sur cette même mécanique esthétique, à savoir une mise en scène léchée, des plans épurés qui font dans la durée et l'introspection, peu d'objets à l'écran, des couleurs unies associatives et du sound design plus que du thème musical.
On pourrait alors citer The Witch (2015), Gretel and Hansel (2020) et The Green Knight (2021) qui joue par instant sur les rapports d'échelle et les effets de gigantisme à l'instar de Dune.


Une école de la critique cinéma les qualifie du terme controversé qui est le suivant : The Elevated Horror. J'emprunte le même qualificatif pour définir Dune de Elevated Blockbuster. That's why!



On vous racontera l'histoire dans le prochain épisode plutôt...



La grandeur visuelle nous la percevons mais quand est-il de la grandeur narrative ?
Parce que si les bases narratives sont correctement posées, l'histoire fait peine, en plus d'être terriblement frustrante.
L'épice gériatrique figure comme étant l'enjeu majeur n'est-ce pas. Il est donc très contrariant de ne voir aucune séquence qui montre cette dépendance directe à la ressource, où est-ce un défaut de compréhension de ma part ? Tout est à peine mentionné en début de récit.
Il est d'autant plus contrariant de voir si peu d'humains à l'écran, quand de grands péplums des années 50-60 savaient réunir des centaines de figurants. L'absence de population, de civilisations dépendantes de la ressource donnent moins de grandeur à l'enjeu des récoltes de l'épice. Et c'est bien dommage.


En fait, j'ai le sentiment que cette hystérie cinéphile actuelle vient obscurcir l'un des principaux défauts du film : son scénario. Les évènements avancent lentement. Les relations entre personnage sont étriquées et manquent de saveur, d'intensité, d'amour, de contrariété. En d'autre terme Dune est qu'une introduction de 155min. Un prologue. Presque un avant-propos.


Au risque de jouer le rabat joie de service, quand je vais visionner une œuvre en IMAX à 18,00 € la séance je ne veux pas me contenter d'une introduction mais bien d'une œuvre à part entière. Je ne veux pas entendre les promesses marketing bien huilées des studios jurant que le second chapitre sera plus complet en la matière.
Je voulais en voir plus, en savoir davantage. Peut-être fallait-il nous proposer un contenu de 180min ou faire l'impasse sur quelques séquences dispensables. Après tout je ne sais pas, je ne suis ni monteur, ni scénariste, ni réalisateur, mais qu'on ne me sorte pas une Director's cut, une Villeneuve's Cut deux ans plus tard parce que ça aussi ça va commencer rapidement à me les moissonner.



La prophétie nanardesque : les flashforwards tuent la narration



Outre cette technique mercatique usante des films en deux parties, une autre de mes principales contrariétés résident dans ce procédé narratif qui s'articule autour d'une prophétie. Les visions discontinues had oc de Paul (Timothée Chalamet) - quelles soient vraies ou partiellement fausses d'ailleurs - viennent à mon sens divulgacher les évènements à venir, que nous, spectateur, parvenons à anticiper avant le protagoniste. Il en est le cas de la tragique disparition d'un des personnages.


Certes on comprend aisément que le roman éponyme de Frank Herbert est complexe. Je salue d'ailleurs la capacité du cinéaste à fournir un rendu concis et parfaitement segmenté. Or, j'aurais préféré voir des visions flashbacks plutôt que des flashforwards.
Selon moi, des visions du passé auraient pu révéler des informations visuelles historiques et généalogiques substantielles à notre jeune protagoniste apprenti, ainsi qu'à nous, spectateur. Autrement dit, en apprendre plus sur le passé, pour comprendre le présent et appréhender le futur, telle est ma suggestion.



Conclusion



Sept jours après mon visionnage, je réitère, j'ai le sentiment d'avoir vu un grand film non sans défaut certes, mais un grand film. [Après un deuxième visionnage, pas du tout un grand film pfff,je ne sous-estimerai pas l'effet d'une grande et belle salle de cinéma la prochaine fois].


Au-delà de mes contrariétés j'ai été happé par le rendu final, les images, les designs, les plans tantôt net et granuleux, tantôt flous, puis ce travail sonore qui vient donner une intensité incroyable aux séquences de télépathie, en témoigne la scène dans l'ornithoptère avec Rebecca Ferguson. Si elle vous ordonne avec cette voix caverneuse "EH TOI VA ACHETER DU PAPRIKA A MONOPRIX", vous y allez en courant sans poser de question, on est d'accord ?


On est d'accord.


Hans Zimmer quant à lui persévère depuis At World's End (2007) dans sa recherche d'expériences sonores exotiques en s'émancipant d'un thème central écrasant pour justement venir accompagner l'environnement. Ses compositions sont pleinement intégrées à l'écosystème désertique d'Arakis.


Les acteurs ont tous des looks renversants. Stellan Skarsgård devient expert en métamorphose, depuis Dead Man Chest (2006).
Enfin ce fut une expérience géniale, visuelle et sonore, de mimesis et de l'imaginaire.
J'espère tout de même que ma frustration vis-à-vis du scénario puisse provenir d'une incompréhension de ma part. Je vais m'alimenter de diverses lectures senscritiquiennes et d'ailleurs, peut-être lire le roman et je reviendrai pour voir si mon avis aura changé.


D U N E

Jordan_Michael
4
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le 26 sept. 2021

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