J'aime bien ce cinéaste, Denis Villeneuve, sa façon de raconter par l'image, l'élégance de ses plans, son cadrage. Ce style me semblait adapté à l'adaptation d'un tel monstre sacré, c'est en tout cas ce que je me suis dit à lorsque je suis sorti - ravi - de ma séance de Blade Runner 2049.
Concernant ce Dune je suis mitigé, j'ai passé un très bon moment malgré un sentiment persistant d'acte manqué.
Dans ce que j'ai le plus apprécié:
- Les grandes séquences marquantes du bouquin sont réussies.
- Les acteurs sont parfaitement castés et sont tous très impliqués.
- Le ton est froid, violent... mais le film sait rester pudique et classe (je redoutais la scène de l'initiation, bon c'est passé crème avec une scène oubliable).
- Le design des ornithoptères est top.
- Le récit d'aventure est vraiment efficace, le rythme est parfait.
- La mise en scène est carrée...
Je vous parlais de "quelques" griefs:
- En premier lieu la musique, je veux voir ce film avec une vraie bande originale et pas cette soupe sans âme et sans variations. Je crois qu'au bout d'une heure de film je n'en pouvais plus de la musique. Ca contribue à désamorcer pas mal de scènes d'actions ou d'émotion, cette "musique" lisse tout relief.
- Ensuite le design, les décors. C'est dommage, dans un space opéra, d'avoir si peu la sensation de distances, d'écarts culturels.
On a l'impression que les gens ne vivent que dans des grands hangars gris et vides, le design est vraiment peu différent d'un lieu à l'autre (excepté le désert), et pas toujours très inspiré (Arrakeen...)
Quand je parle des gens, en fait on ne voit aucun habitant "normal" vivre sur ces planètes, juste des protagonistes, des soldats... la sensation est de voir un décor de cinéma.
Toutes les grandes oeuvres fantastiques s'appuient sur des travaux préparatoires de véritables maîtres (Giger/Moëbius - qui a travaillé sur le Dune de Jodorowski/Alan Lee/John Howe/Ralph McQuarrie...) J'adore les concept arts que Wojtek Siudmak a produit pour Villeneuve, mais je ne retrouve pas son travail dans le film, ce qui montre bien un soucis sur ce point.
- La photo est très peu contrastée, tout est très gris et terne, il y a beaucoup de fumée. Je pensais que ce serait pour mieux faire miroir avec la partie désertique mais même la fin du film est comme voilée. Est-ce mieux en iMax?
Je suis peut-être un peu exigeant après le BR2049 supervisé par le grand Roger Deakins.
- J'ai trouvé les enjeux de ressources peu exploités. Rien sur l'origine de l'épice, le rôle des vers (réservé pour la suite?), rien sur le rallongement de la vie, le côté psychotrope qui est essentiel dans le lore de Dune. Rien non plus sur sa toxicité.
Un petit laïus sur l'eau, mais je n'ai pas trouvé le discours très central, ce qui est dommage car ce Dune moderne aurait pu (dû?) avoir un discours écologique. Par ailleurs on a très peu la sensation de chaleur. Dommage.
- Quelques maladresses dans le récit: les élipses temporelles ne sont pas géniales. L'alternance des plans quand Letto est chez les Harkonnen et Paul/Jessica sous la tente n'a juste aucun sens. Le film ne gagne pas du tout en émotion au passage, et quand Jessica ressent le "changement", la question est évacuée dans le récit, le drame désamorcé. Peut-être que la musique enterre à ce moment toute intention de cinéma, je ne sais pas trop.
Il n'y a pas d'humour non plus, jamais.
- Les vers des sables sont tops, mais on les voit 10 secondes en action.
- Un poil trop de ralentis.
- Un final qui pose problème, autour d'un duel anti-spectaculaire dont on ne nous exprime pas très bien les enjeux - couplé à des visions prémonitoires qui montrent la suite - transformant ce Dune en quasi-trailer.
Au final j'ai trouvé ça très cool et très soigné, mais je ne peux m'empêcher de penser à un acte manqué. Les talents étaient censé être là pour sortir un grand space opéra d'aventure, et j'ai l'impression que Villeneuve a pêché par suffisance dans l'écriture (qu'on avait senti par moment dans BR2049, sans que les conséquences ne soient très graves), et dans une trop grande confiance dans son art, trop intimidé par l'œuvre, ou pas assez entouré quant au design?
Reste que découvrir cet univers sur grand écran est un moment vraiment chouette, à découvrir dès 10 ans pour des enfants qui ont déjà un peu de cinéma dans les jambes (mon fils de cet âge est ressorti enchanté, même si j'ai dû lui expliquer les grandes familles pendant et après le film).