E.T. L'extraterrestre ou La banlieue des étoiles...
Ce poème filmique - probablement l'un des plus beaux jamais réalisés sur l'enfance et son imaginaire - constitue à mon sens le chef d'oeuvre de Steven Spielberg et de son compositeur John Williams. Véritable madeleine de mon panthéon personnel E.T. L'extraterrestre est de ces films inlassables et intemporels dont chaque visionnage réserve de nouvelles sensations et de nouvelles découvertes de réalisation ( aussi bien techniques que dramatiques ).
Ce film au lyrisme incontestable en grande partie porté par la composition romantique du grand John Williams ( dont la pièce musicale, associée aux images flamboyantes d'Allen Daviau et à la mise en scène chorégraphiée de Spielberg évoque par moments un somptueux ballet tchaïkovskien...) bénéficie en outre d'une astucieuse distribution, principalement fondée sur la jeunesse : Henry Thomas, Drew Barrymore et le méconnu - et talentueux - Robert MacNaughton confèrent au film une spontanéité permettant l'émotion directe, sans faux-semblants. E.T. L'extraterrestre est de cette espèce rare de films reposant sur de vraies émotions, réalisé de façon à les transmettre sans chercher à les intellectualiser de quelque manière que ce soit.
Hautement symbolique la fable propose un regard inédit sur l'enfance : filmée à hauteur de jeunesse elle montre ce que l'adulte, aveuglé par ses futiles préoccupations, ne peut pas voir. Elle montre un enfant sage, mature et respectueux du secret, de cette valeur ineffable transmise par un lien tacite et condamné à le rester ( en ce sens la scène dans laquelle E.T. répète les gestes du jeune Eliott est exemplaire, en plus de témoigner d'une belle écriture cinématographique : sans dialogues, l'émotion s'installe comme dénouement relationnel ). Un enfant responsable, prenant le temps d'expliquer simplement le monde environnant au nouvel arrivant : Eliott éduque littéralement l'extraterrestre, mettant des mots sur chaque chose de son petit espace vital ( une chambre évoquant à la fois un laboratoire d'expérimentations et un musée intime, un éventuel Xanadu renfermant quelque secret prestigieux...) pour mieux développer le lien original. Du secret relationnel à la découverte du monde il n'y qu'un pas : le langage.
Spielberg filme donc l'enfance, son langage et sa sensibilité. Au gré d'une écriture simple jouant énormément sur l'écho et la répétition le réalisateur parvient à faire du film une oeuvre remarquablement poétique et évocatrice. Ainsi la symbolique des décors, des costumes et de la temporalité participe énormément à l'alimentation poétique de E.T. L'extraterrestre, jusqu'à en faire un formidable conte mythologique : un film d'aventures intime où le spectacle surgit aussi bien dans le confinement d'une chambre reconvertie en théâtre galactique que dans la virtuosité solaire d'un ballet de cyclistes poursuivis par la Science. On se souviendra pour toujours du plan du vélo nageant au clair de lune par la nuit étoilée, plan littéralement Amblin-matique qui figure parmi les plus beaux du cinéma de Steven Spielberg...
Que dire de plus au sujet de E.T. L'extraterrestre ? Revoir le film pour sa réalisation inventive et intelligente, au longs plans savamment composés ; pour sa photographie resplendissante, aux sources de lumières nombreuses et originales ; pour son dernier quart d'heure, impressionnante course-poursuite s'achevant sur une coda fellinienne, convoquant noblement le bateau de Amarcord...? Revoir E.T. L'extraterrestre pour se souvenir de son enfance. Pour ne pas l'oublier. Un chef d'oeuvre.