Synopsis : Brendan O’Malley a le shérif Stirbling à ses trousses car il a tué sa sœur. Il s’exile au Mexique, où il ne peut être arrêté, et se fait engager au sein du ranch de son ancien amour, Belle, aujourd’hui mariée. Le shérif décide de se faire embaucher lui aussi de manière à garder un œil sur son fugitif et à ne pas perdre encore une fois sa trace… L’homme de loi ne tarde pas à être sous le charme de Belle qui elle semble s’éprendre à nouveau d’O’Malley, peu après la mort de son mari.


El Perdido, ou The Last Sunset en version originale, annonce, comme son nom l’indique, la fin des grands westerns américains de l’âge classique. Ford, Hawks et les autres grands maîtres sont sur la fin, et l’on voit conjointement poindre les spaghetti italiens et les films crépusculaires de Peckinpah de part et d’autre de l’Atlantique. Le film d’Aldrich semble arriver trop tard, ou trop tôt : c’est un western que l’on qualifiera de « malade », à l’écriture atrophiée par le tournage, et le tournage lui-même atrophié par le montage. En résulte un essai pas complètement réussi qui frustre par ce qu’il aurait pu être, avec de tels acteurs et un tel réalisateur aux commandes. Mais tout paraît hésitant, inachevé, non assumé ; et le rythme d’en pâtir grandement.


Ce qui est à mettre au crédit du film, c’est indéniablement son souffle romanesque et romantique. El Perdido est un western mélodramatique comme il y en a peu, sur fond de transhumance très classique, mais sachant renverser les attentes. Le film est quasiment dénué de violence physique, mais empreint de tourments psychologiques et de rapports très profonds entre les personnages. On assiste à une double histoire d’amour un peu étrange, voire déconcertante, parce qu’incestueuse, autour de laquelle gravitent des personnages hantés, névrotiques (Joseph Cotten et sa blessure de guerre à la fesse, vraie blessure à sa masculinité), assez uniques dans le western. On aurait aimé que les tiraillements moraux fussent encore plus poussés, mais il est clair que certaines scènes sont déjà d’un malaise certain, moralement parlant.


Entre les deux protagonistes se disputant la romance, à savoir Rock Hudson et Kirk Douglas, se joue un duel malheureusement inégal : Douglas est davantage mis en valeur, par l’écriture et le montage, face à un Hudson qui a du mal à exister. Douglas étant producteur, et ayant pris soin d’assurer lui-même le montage (qu’Aldrich considérera comme une trahison envers sa vision du film), un tel déséquilibre dans le rayonnement à l’écran des deux personnages n’est guère étonnant. Heureusement, en contrepoids, les deux personnages féminins sont excellents. Dorothy Malone, aux faux-airs de Bette Davis, dégage de sa beauté âgée une mélancolie impressionnante ; Carol Lynley, jouant sa fille, de sa pureté virginale fascinante, sublimant de cet aura un rôle pourtant très limité en terme d’écriture.


Si la mise en scène d’Aldrich est discrète, et que la BO, un peu forcée, finit par lasser, El Perdido laisse au spectateur le souvenir d’un quatuor fusionnel mais dont les individualités semblent inconciliables. Le présent du film, ce qui s’y passe, est finalement moins important que le passé, jamais montré mais sans cesse évoqué, qui hante les personnages. Ce sont donc moins des images que des relations qui demeurent, et une ambiance triste où ces héros et héroïnes donnent l’impression d’avoir déjà vécu tout ce qu’ils avaient à vivre, dit ce tout qu’ils avaient à dire, et que tout ce qui se joue sous nos yeux n’est plus que « mots de trop », « aventures de trop ». C’est ce qui fait la force émotionnelle de ce film désabusé, sa cohérence contextuelle avec son genre, mais aussi la limite de sa dramaturgie.


[Article à retrouver sur Le Mag du ciné]

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le 9 mars 2020

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Jules

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