De la tension, et c'est tout

Elle réussit à installer une vraie tension presque tout le long des 2h10 - un rien longues quand même - et c'est tout de même ce qu'on attend d'abord d'un thriller.


Pour le reste, le film fait-il ou non l'apologie du viol, pour reprendre la polémique créée dans le Huffington Post ? Je n'en suis pas sûr, même si les arguments présentés ne manquent pas de pertinence. En revanche, il s'agit bien d'une vision typiquement masculine de la sexualité, comme le cinéma le propage le plus souvent. C'est bien dommage car la vision féminine est tellement plus riche (l'auteur de ces lignes est de sexe masculin, on l'aura compris ?)... mais aussi nettement moins vendeuse. La vision féminine est faite de lenteur, d'écoute mutuelle et de patience, elle est aussi plus globale, moins centrée sur les organes génitaux. Mais le cinéma préfère l'action, l'adrénaline, le "rythme" (ah, le fameux rythme !) et la violence. Les fantasmes masculins peuvent donc se déployer avec l'assurance du succès... parfois d'ailleurs filmés par des femmes (je pense à "Mon roi" de Maiwenn, où Vincent Cassel prend sauvagement sa partenaire sur les plaques de la cuisine d'un resto).


Il faut donc dire à Paul Verhoeven que rares, très rares, sont les femmes qui prennent un plaisir fou à masturber un mec au bureau rideaux tirés, dans une poubelle (détail sordide). Les femmes qui font cela veulent faire plaisir à l'homme qu'elles aiment mais je doute qu'elles y trouvent un plaisir personnel énorme (une fois passé peut-être la réalisation d'un fantasme). Il serait bien de dire ce genre de choses plutôt que de continuer à calquer sur les femmes la vision masculine de la sexualité.


Rares aussi les femmes qui se masturbent en matant un mec avec des jumelles (mais sans doute, tout existe). Isabelle Huppert justifie sa relation avec le Robert du film par un "j'avais envie de baiser". Mais on ne la voit jamais baiser ! Seulement se faire baiser. Verhoeven flatte le public masculin en lui faisant croire que c'est là que les femmes trouvent leur plaisir. C'est paresseux et très complaisant.


Quant à la "géniale" Isabelle Huppert, je ne supporte plus sa petite moue des lèvres, un véritable tic. Sa prestation est honnête mais je n'y vois rien d'extraordinaire : elle fait du Huppert, froide comme à l'habitude. Les autres sont à l'avenant. Il faut encore charger la barque en dénonçant le côté très cliché de plusieurs personnages : le Robert déjà cité, l'archétype du macho veule, la Rebecca incarnée par Virginie Effira, une catho extrêmement caricaturale (les cathos de ce calibre là existent, mais ils ne regardent pas la messe à la télé, lorsqu'ils peuvent faire autrement !), la copine de Vincent hystérique, qu'on a envie de baffer (le tableau est un rien poussé, non ?).


Pour conclure : une bonne tension, savamment entretenue, mais au-delà ? Pas mal de réserves, pour de rares belles scènes, comme celle des volets (l'espagnolette en érection pendant que le couple s'enlace : belle idée).


Sûrement pas de quoi crier au génie en tout cas. L'avis des femmes serait intéressant.

Jduvi
6
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le 16 août 2017

Critique lue 224 fois

Jduvi

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