« Ema Ema Ema Ema Ema Ema Ema Ema » scandent compulsivement mes rétines ratatinées dans leur orbite à la vue de ce personnage féminin hypnotisant du dernier long-métrage éponyme de Pablo Larrain. Bim Bim Bim fait mon cœur quand il aperçoit Mariana Di Girolamo, déesse du Paradis qui cramerait les flammes de l'Enfer !


Réalisateur chilien -en attestent tous les weon répétés dans la bouche de ses personnages (équivalent du boludo argentin qui signifie autant l’affection pour un intime que le dégoût voire la haine selon le ton utilisé et le destinataire, que l’on traduirait par con ou abruti en français), Larrain s’est notamment fait connaître avec le film No puis, il a ensuite tourné deux biopics sur deux figures de renommée mondiale : Neruda et Jackie, film récompensé à Venise dans lequel Natalie Portman est confrontée à l’assassinat de son mari, John Fitzgerald Kennedy. Si le lien entre No, Neruda et Ema, est bien l’utilisation récurrente de son acteur favori Gabriel Garcia Bernal, Larrain a également tendance à adopter un point de vue original pour traiter des personnages forts.


À la différence de la First Lady, Ema est un personnage de fiction dont les caractéristiques sont d’être dotée d’une chevelure platine et d’un regard perçant, aussi machiavélique qu’angélique. Ema est une jeune danseuse mariée à un chorégraphe de renom (Gabriel Garcia Bernal) qui est hantée par les conséquences d’une adoption qui a mal tourné. À la suite de ces événements, elle décide de transformer sa vie.


En un sens, Ema m’a fortement rappelé la figure hypnotisante de Luca Marinelli dans la récente libre adaptation de Martin Eden par Pietro Marcello. Une gueule qui vient des bas fonds, et qui, déterminé par une force intérieure insondable et une confiance en soi de tout instant, décide de s’engager dans une voie mortifère sans en dévier à un seul instant, quitte à emmerder le monde, quitte à ne pas toujours respecter les règles de bienséances. Comme Martin Eden, Ema phagocyte le temps, la caméra et l’attention de tout un chacun. Ema est un soleil, comme celui de la représentation, autour duquel tout son monde, tout le monde tourne. Ema, c’est (E)Martine à la salle de danse, (E)Martine au travail, (E)Martine avec son keum, (E)Martine qui lèche des langues, (E)Martine qui danse sur du Reggaeton. Dans cette combinaison du sublime et du douloureux, Mariana Di Girolamo est Ema. Actrice de clips et de telenovelas, Mariana Di Girolamo mêle le géant à la petitesse, l’acier à la fragilité, l’intimité à l’éloignement. Gratifiée d’un réel potentiel poétique, l’actrice pulse chacun de ses mouvements de danse dans un univers saturé de vert, de bleu et de rose, transmettant beaucoup d’émotions et de crises. À cet ensemble qui semble équilibré, Ema, irrésistible et électrisante, met le feu à tout son environnement, cœur de spectateur compris ! Chaque mouvement est une ode à la surprise, au mouvement inopiné et gracieux et c’est ce flou artistique mais maîtrisé qui meut Ema dont les motivations semblent être aussi insondables qu’une arrivée nuageuse sur les cotes bretonnes. Larrain n’est pas innocent dans ce mystère puisque c’est à travers son dispositif qu’il souhaite faire ressentir de l’empathie aux spectateurs, non pas en suivant le cadre du montage formel et classique : humiliation, résilience et résolution mais plutôt en mêlant chacune de ces trois étapes, l’une à l’autre, l’une dans l’autre, comme une horde de danseurs qui ne ferait plus qu’un.


Critique imagée sur mon blog : https://lestylodetoto.wordpress.com/2020/08/22/ema-emartine-eden/

thomaspouteau
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le 22 août 2020

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