De plus en plus difficile à contenter en termes de cinéma et de séries, je me suis pris à m'interroger sur mon possible cynisme hier soir lors du visionnage d'En eaux troubles (paye ton titre français moisi). Après une bonne heure de film, j'ai réalisé que, après avoir lu les critiques sur ce site, je passais plus de temps à me demander comment telle réplique ou telle scène allait être perçue par les autres spectateurs, qu'à me préoccuper de mon propre ressenti sur le film. J'espère sincèrement pouvoir un jour réapprendre à apprécier un long-métrage comme j'étais capable de le faire il y a 10 ans, avec un regard indulgent et attendri.


Qu'en est-il de The Meg, me demanderez-vous, vous qui prenez le temps de lire ces quelques lignes. Eh bien je dois avouer que j'ai apprécié le film, pour finir. Après avoir été désabusé au visionnage de Rampage, un blockbuster qui avait pourtant sur le papier tout pour me faire passer un bon moment coupable, je n'attendais pas grand chose de cette adaptation du livre de Steven Alten. Un roman que j'ai lu plusieurs fois au lycée, et que j'avais toujours espéré voir adapté un jour. L'annonce de Jason Statham en tête d'affiche n'arrangeait pas mes attentes. J'ai beau apprécier énormément le chauve musclé, le retrouver dans le rôle de Jonas Taylor équivaut un peu à voir Dwayne Johnson enfiler le feutre de Sherlock Holmes. Pour rester sur le casting, j'ai vu beaucoup de monde critiquer l'abondance d'acteurs et d'éléments asiatiques "parce que c'est juste pour attirer le public chinois pffff". Mais il faut savoir que ces personnages sont bel et bien présents dans le roman, et que le film ne leur donne pas plus d'importance que Steven Alten ne le faisait dans ses pages. Si certains rôles ont un peu changé, notamment l'ex-femme de Taylor qui est devenue une scientifique spécialiste de plongée sous-marine et non plus une gold-digger arriviste, on retrouve plus ou moins la même équipe dans cette adaptation, à quelques personnages secondaires près.


Pour finir avec ce point, je dois admettre que j'ai énormément apprécié les tentatives de Jon Turtletaub et du script de donner à ces personnages un côté humain et appréciable. Certains diront que les traits sont grossiers, que l'humour ne prend pas, que les caricatures abondent. Mais le film prend quand même le temps de scruter leurs états d'âme, de multiplier les interactions entre eux au détour de quelques répliques bien senties ou de gestes de camaraderie. Je n'attendais qu'une galerie de victimes en puissance, je suis finalement tombé sur une petite famille attachante que j'espérais presque voir intacte en fin de métrage.


On en vient ainsi au détail qui fâche le plus. The Meg est un PG-13. Cela équivaut chez nous à un simple avertissement, parfois même un "Tous Publics" impertinent au dos d'une jaquette de Blu-Ray. Ce qu'il a pu gagner en jeunes spectateurs, il l'a perdu en hargne et en violence. Un film de requin géant aussi aseptisé et chiche en victimes, c'est un comble que seul Hollywood a l'audace de nous refourguer. J'espère de tout cœur voir un Director's Cut se pointer lors de la sortie vidéo, comme Jon Turtletaub a lui même avoué avoir tourné un film plus sanglant que la version approuvée par les studios.


Heureusement, même s'il n'est pas aussi meurtrier qu'on l'espérait, le Mégalodon du film se révèle aussi hargneux que rapide, avec des effets spéciaux solides, et quelques apparitions bien fichues. Turtletaub a bien compris ce qui rend les profondeurs marines si terrifiantes: le noir complet, et le vide immense qui entoure les personnages lorsqu'ils se retrouvent sous l'eau. Jouant sur l'espace et le manque de visibilité, il n'hésite pas à proposer une paire de séquences à la première personne, où le protagoniste balaye du regard l'océan, ce qui rend l'arrivée de la bête d'autant plus effrayante. Citons également la scène déjà vue dans les bandes annonces où le Mégalodon s'avance lentement vers la petite fille dans un tunnel sous-marin, un plan qui fait son petit effet sur un écran géant. Il est ainsi dommage que malgré une tension présente sur les deux premiers tiers, le film bascule finalement dans un spectaculaire propre au blockbuster hollywoodien, avec un combat final classe mais improbable. On s'y attendait, mais le reste du film avait réussi à nous faire espérer le contraire.


Bon moment inespéré, En eaux troubles me permet de partir faire ma rentrée sur une note plutôt positive, en attendant maintenant la suite des aventures de Norbert Dragonneau en novembre.

Deydpool
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le 3 sept. 2018

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