Unhinged [ʌnˈhɪndʒd] (adj.) : « déséquilibré »

Unhinged, voilà un titre qui semble être bien plus approprié que sa transposition française pour caractériser le film de Derreck Borte, en cela qu’il a presque l’air un commentaire métatextuel sur celui-ci.


La scène liminaire ouvre un exercice d’équilibriste qui va péniblement se dérouler pendant une heure et demie. D’un côté le film se veut la transposition cinématographique d’un fait social américain, la rage routière (« road rage » en anglais), dont les incidents augmentent chaque année, a mené certains états—notamment la Californie—à légiférer sur le propos. De l’autre, il fantasme une société américaine imaginaire où la violence règne et dans laquelle l’institution policière est étouffée par manque de personnel et de moyens financiers. Le monde d’Enragé est donc celui d’une rupture du contrat social et d’un retour à l’état de nature hobbesien du chacun pour soi : un rêve libertarien qui va faire le cauchemar de notre héroïne. (Dans la vie réelle, le budget de la police aux États-Unis a presque triplé depuis 1977, passant de 42 à 114,5 milliards de dollars malgré des crimes violents en constante baisse depuis les années 1990.)


C’est donc dans cette société que Russell Crowe campe un masculiniste dégénéré, qui, après avoir dessoudé ex-femme à coups de marteau, va se décider à décimer l’entourage de Rachel pour cause d’égo froissé à un feu rouge. Le scénario, qui tient dans un mouchoir de poche, n’est rendu possible que par la décision préalable de faire de tous les personnages une bande d’attardés. La police est incapable retrouver un véhicule lié à plusieurs meurtres ou à localiser un téléphone constamment utilisé. Pire encore, elle est incapable d’envoyer des secours lorsque l’héroïne se rappelle enfin qu’elle peut utiliser son téléphone pour faire le 911. En revanche, une vulgaire alarme de sécurité rameutera une demi-douzaine de voiture de police parce que c’est la fin du film et qu’il faut bien boucler… Il ne faudra pas non plus compter sur les automobilistes et autres passants. Ils sont bien trop occupés à se remaquiller et à filmer un meurtre pour agir ou appeler la police. Après tout il faut bien que le spectateur comprenne que nous somme dans une société individualiste qui a perdu toute valeur… Bref, l’intrigue est invraisemblable, risible et affligeant.


Le fond aurait facilement pu être rattrapé par la forme, mais celle-ci est inexistante, Borte ayant visiblement pensé qu’un crissement de pneus équivalait à créer de la tension. Enragé est une séance pénible, mais soyez sans crainte, le dénouement nous laisse un message d’espoir ! Le vilain dérangé est mort et la gonzesse, elle, sait maintenant rester à sa place : elle arrête de klaxonner.

Galokarp
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le 26 août 2020

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