J'avais l'impression de faire partie de la classe. J'ai revécu mes années collèges. Ce film est un cinéma du réel mais avec une trame narrative.

Il se passe beaucoup de choses puisque c'est un condensé d'une année scolaire en 2h. On découvre la personnalité des élèves au fur et à mesure. Le chef de file et la figure paternelle si je puis dire, est le professeur de français et professeur principal, très impliqué dans son rôle. Il a lui même ses failles et ses forces, sensible mais parfois impuissant et désabusé face à l'attitude de certains pré-ados très en verve.

L'extérieur n'est jamais montré mais on devine l'origine social du jeune grâce aux scènes de réunion parent-professeur, le langage employé, l'apparence physique et leurs goûts via un exercice d'autoportrait. Dans son ensemble, Laurent Cantet montre toutes les complexités référentes à un collège de type ZEP: population immigrée fragile touchée par plusieurs maux de la société, analphabétisation, déscolarisation, non-dits, menace de reconduite aux frontières, communautarisme, injustices sociales, envie de réussite, fatalisme, échecs scolaire, crise, manque de moyens.
La réussite de ce film tient en ce huis clos qui nous fait deviner tout ces thèmes jamais aborder de manière frontale mais juste en montrant une classe de français, avec leur prof - quelques inclusions contextuelle en récréation et dans le bureau des profs viennent compléter et donner quelques éléments supplémentaires. On ressent un enfermement, une prison, une cours où les pulsions s'expriment dans un environnement violent palpable où crier c'est parler normalement et insulter n'est pas grave quand cela arrange.

Le film est quasi-documentaire (caméra épaule, images qui bougent, quelques plans fixes - plans zénithales sur la cour d'école, gros plan sur visage ) avec de jeunes acteurs sans doute amateurs plus vrai que nature et tous excellents. Film qu'il faudrait montrer aux politiques pour tirer le bilan de l'éducation en milieu difficile.

Ce qui peut décevoir et qui lui vaut le note de 7 selon moi, ce sont les amalgames que certains spectateurs pourront faire sans trop y réfléchir à l'issu de la projection. Le noir souvent africain, c'est celui qui est expulsé. Ses parents sont sans papier, le père absent. Le chinois est le travailleur, le bon en math et celui qui sourit tout le temps, en plus d'être le mec sympa. L'arabe celui qui parle beaucoup et s'exprime mal mais a de l'humour et bien sûr on évite pas le propos sur la viande de porc. La franco-française est la meilleure de la classe, elle a les yeux bleus, est très jolieet est délégué de classe. La fille noire celle qui se rebelle, ne veut pas travailler, le gothique, les profs font profs - certains idéalistes perdus, d'autres complètement à coté...ect

Mais malgré ses clivages volontaires, toute cette jeunesse se mélange et s'entraide. Ils sont même très liés et solidaires. Maintenant on ne peut pas nier cette réalité socio-culturelle française où l'immigré a une place à part. L'ignorer serait d'être de mauvaise foi et je pense que c'est pour cela que Laurent Cantet a aussi intensément appuyé son propos avec des stéréotypes marqués. Chacun y verra ce qu'il aura envie de voir mais je ne pense pas que le but du réal était de desservir ou de stigmatiser ces populations. Il voulait sans doute ouvrir un débat, une réflexion propre à chacun.
TiBab
7
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le 8 sept. 2013

Modifiée

le 8 sept. 2013

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TiBab

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