Considéré comme le pilier du regain de popularité du cinéma turc sur son propre territoire, Eşkiya n'a pourtant pas l'aura d'un chef d'oeuvre artistique. Même si cette histoire de rédemption sait se montrer attachante, et en dépit du talent évident de son réalisateur Yavuz Turgul, le film se donne trop souvent des airs de telenovela portée sur grand écran.


Ca commencait pourtant bien. Après 35 ans derrière les barreaux, Baran, connu comme "le brigand", rentre au bercail mais retrouve son village englouti par les flots. Le voilà dès lors qui embarque pour Istanbul à la recherche de son ex-meilleur ami, qui l'a trahi en le vendant aux flics et en épousant la file dont Baran s'était épris. Dans ces premières minutes, le film montre énormément de personnalité, et Turgul installe un rythme aussi paisible qu'intrigant par la grâce d'un montage intelligent. Le regard de Baran sur la boulllante cité stambouliote amène son lot de saynètes cocasses et révèle le sens de l'observation du réalisateur.


Cela se gâte malheureusement dès lors que se déploie la seconde intrigue, développée autour du personnage de Cumali, censé représenter le fils que Baran n'a jamais eu. Pas déplaisante mais bien moins intéressante et surtout cousue de fil blanc, elle ne surprend jamais et traîne le film vers le bas, dans un style comique puis policier qui ne lui sied pas vraiment. Les dernières minutes en forme de chasse à l'homme tournent même au ridicule avec des incohérences et autres énormités qui font tache. Surtout, on effleure à pein la relation "père/fils" qui s'installe entre Baran et Cumali, leur complicité passant plus par le talent (indéniable) des deux acteurs que par la sensibilité du scénario.


Malgré tout, Eşkiya se sauve grâce à de beaux éclairs de poésie, à l'image de ce magnifique final. C'est étrangement dans ses instants les plus naïfs que le film touche au coeur, lorsqu'il nous met face à la pureté des sentiments de Baran, ou lorsqu'il se prend de sympathie pour les singuliers personnages peuplant l'hôtel et ses environs (pêle-mêle un vieil acteur raté, un Russe égaré, ou encore un gamin qui tanne sa mère pour avoir une Mitendo [sic]). Tout le reste, à commencer par ces mafieux de pacotille et leurs histoires déjà vues mille fois, sera bien vite oublié.

magyalmar
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le 7 avr. 2018

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