Comme à peu près chaque année, François Ozon débarque sur grand écran avec un nouveau film. Cette fois-ci, Été 85 nous propose de revivre une époque révolue durant laquelle le SIDA n’existait pas, une période probablement plus insouciante, légère, rythmée au son des cassettes audio de The Cure. A travers la relation de deux adolescents, Ozon témoigne avec nostalgie d’un stade de la vie commun aux soixante-huitards, aux millenials et aux générations Z. La naissance du désir, le fracas des émotions contraires, le regard et la reconnaissance de l’autre, autant de choses qui font de l’adolescence un moment unique. C’est dans ce contexte que ce film aux teintes solaires aborde le difficile thème de la mort, sorte de métaphore du passage à l’âge adulte.


Tous les éléments du cahier des charges d’un teen movie sont présents : la fête foraine, les balades en moto cheveux au vent, la minute shopping, les fous rires face au coucher de soleil… Le réalisateur joue habilement avec ces poncifs et réussit la périlleuse tâche de les rendre supportables. Heureusement car l’histoire en elle-même manque d’un enjeu fort, réduit ici à une simple dispute, frisant le ridicule et ne rendant pas hommage à l’ouragan que peuvent être les pensées d’un jeune de 16 ans.


Ozon est un véritable metteur en scène et se permet des idées graphiques aux symboliques fortes ; l’arrivée de David debout sur son bateau, inébranlable, la foudre comme seule compagne est une très belle introduction de personnage. Tout comme cette séquence de danse macabre, bouleversante. C’est finalement quand il laisse les corps s’exprimer que François Ozon atteint une vérité, là où les mots ne font qu’étouffer et rigidifier. Félix Lefebvre et Benjamin Voisin livrent une performance engagée sans pour autant parvenir à créer l’étincelle d’un amour de jeunesse, la faute à un trop plein de dialogues artificiels, souvent à la limite de la crédibilité. Et que dire du personnage de Valeria Bruni Tedeschi, sorte de maman à l’amour envahissant et aux tendances sexuellement agressives ? Ou bien de Kate, jeune anglaise à l’apparition aussi improbable que son exotisme nourrit les fantasmes érotiques ?


L’ensemble est trop instable pour soutenir un thème aussi difficile, ce qui nuit à la force émotionnelle du scénario. Tout de même, François Ozon livre un film rafraîchissant qui a l’intelligence de ne pas faire de l’homosexualité son sujet, racontant avant tout l’histoire d’un amour entre deux personnes.


Critique écrite pour le webzine Beware : https://www.bewaremag.com/film-ete-85-de-francois-ozon/

GabinVissouze
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le 16 juil. 2020

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