La première quinzaine d’août n’appartient plus aux Madrilènes, mais à la bonne conscience de touristes, baignés dans une généreuse découverte. Mais pour Jonás Trueba, dont il témoigne habilement du cinéma d’Eric Rohmer, il y a plus encore à raconter du point de vue d’une espagnole qui redécouvre sa terre natale et avec l’incarnation de l’innocence. Les jours passent et la virginité du personnage se renouvelle, avec une certaine prestance qui ponctue cette période chaude de l’année comme pour évoquer une sorte de pèlerinage. Voyager pour se resourcer, un été pour se réinventer.


Eva cherche indéniablement sa place dans un monde qui patiente également pour lui en donner une. Le départ de quelqu’un finit par profiter à un autre et ce quelqu’un d’autre, c’est peut-être Eva, qui saisit sa chance. Revenir pour partir de zéro, c’est le sentiment qu’on nous donne, rien que par les maigres informations sur son passé. La solitude du personnage vient également compléter le portrait d’une évasion. Chaque lien devient un relai pour de nouvelles rencontres et devient un nouveau fragment qui définit encore plus l’existence, la personnalité, ou plutôt l’âme d’une Eva à la recherche du bonheur. De ce fait, une communion sacrée intervient entre la femme et Madrid. La ville s’identifie à elle, qui ne manque pas de pointer les étapes clés du tourisme. Du musée aux bus, en passant par diverses animations et interactions avec son public, elle s’interroge sur elle-même. En prenant comme miroir les différents intervenants et en tentant de rassurer autrui, elle se trahit dans sa croisade.


Ce que l’on connaît d’elle en tant qu’ancienne actrice, c’est toute une métaphore sur son identité sur la scène de la vie. Eva doit saisir les rôles qui s’offrent à elle et en puisant dans la pudicité, afin de mieux assumer ses décisions. Il existe donc une porte qui ne la laisse point dépasser un seuil, mais lequel ? Ce qui la laisse à l’extérieur de son sujet se rapprocherait d’une forme de maternité non assumée dès lors, mais qu’elle commencera à appréhender au fur et à mesure qu’elle acceptera de faire corps avec son environnement et son âme. Elle attrape ainsi chaque rayon de soleil qui lui donne l’opportunité d’explorer un peu plus la problématique qui l’habite, mais qui ne la hante pas pour autant. En acceptant de s’ouvrir à l’imprévu et au hasard, elle touche finalement une destination qu’elle aurait crue plus lointaine et éphémère. Elle avance, flotte et séduit par son indépendance… elle reprend sa vie en main et s’ouvre plus de portes qu’il n’y paraît.


Ce parcours sonne le glas du spirituel et du solennel, jusqu’à confondre l’héroïne avec la Vierge. Plusieurs détails la rapprochent d’une foi qui la traverse et qui s’imprègne à elle, notamment à travers l’eau, symbole de pureté, de douceur et d’apaisement. « La Virgen de Agosto » (Eva en août) cherche autant la bonne clé et l’approbation nécessaire afin de traverser cette fameuse étape de la maternité. C’est donc avec une élégance scintillante que Itsaso Arana et Eva nous promettent les bénéfices mentaux des vacances, une étape transitoire et parfois fantasmagorique, qui nous prépare à un retour à la réalité. Et cette réalité s’accorde avec l’âme de Madrid et dans la décision d’y emménager pour enfin affirmer son identité.

Cinememories
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le 19 nov. 2020

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