C'est vraiment dommage... Deux ans après l'échec de son métrage « Mortal Kombat », le cinéaste britannique Paul W.S. Anderson revient avec une proposition qui aurait pu être très intéressante. Malheureusement, nombreux sont les éléments qui posent problème dans ce métrage et qui, par conséquent, impactent grandement l'appréciation générale de l'œuvre.


« Event Horizon, le vaisseau de l'au-delà » est un film audacieux mais qui souffre clairement d'un manque de moyens financiers, et surtout, d'un manque de maîtrise en termes de réalisation et d'écriture qui caractérise malheureusement le cinéma d'Anderson - au vu de l'ensemble de sa filmographie. Dès le début, des erreurs sont faites dans le développement du projet. A lui-seul, le titre de film (Event Horizon) gâche la première révélation du long-métrage qui survient au bout d'une douzaine de minutes. Avant-même d'en arriver là, le spectateur devine déjà quel est l'objectif de la mission menée par le Lewis & Clark - le vaisseau spatial de nos personnages principaux - qui est tenu secret durant les dix premières minutes. La traduction française du titre rajoute le sous-titre « le vaisseau de l'au-delà », ce qui, pareillement, permettra avec un minimum de bon sens de deviner l'une des dernières révélations du film bien avant d'y arriver. C'est dommage de gâcher aussi facilement deux des retournements de situation qui constituent la construction du récit.


Là où « Event Horizon, le vaisseau de l'au-delà » possède du potentiel, c'est dans sa volonté de croiser les genres cinématographiques. Une idée loin d'être novatrice à l'époque, mais qui donne de bons résultats lorsque le mélanges des genres est cohérent, qu'il mène quelque part et qu'il est subtilement dosé. Regrettablement, ce mélange est ici assez mal exploité alors qu'il aurait pu donner quelque chose de très intéressant. Partagé entre science-fiction, fantastique et horreur, le métrage a des difficultés à faire vivre ces trois dimensions narratives sur le grand écran. L'aspect « science-fiction » tombe rapidement à l'eau après que Sam Neill nous ait fait une brève mais sympathique démonstration du fonctionnement d'un trou de ver - même démonstration qui sera utilisée par Richard Kelly dans « Donnie Darko » et Christopher Nolan dans « Interstellar ». Le film s'oriente rapidement vers une note fantastique qui n'est pas vraiment compatible avec l'ambiance « science-fiction » du début. Enfin, la dimension horrifique démontre une réelle difficulté à exister et à s'imposer dans cet univers narratif. Le mélange des genres est mal exploité et donne un résultat très mitigé, bâclé, qui ne va pas au bout de choses.


De nombreux éléments horrifiques nous sont montrés mais sont instantanément désamorcés par un changement brutal de perspective, un dialogue un peu balourd ou une séquence à l'antithèse qui casse la tension narrative. Le métrage a beaucoup de mal à maintenir une ambiance angoissante sur toute sa durée. Certains passages sont plus réussis que d'autres, toutefois, ces séquences s'enrayent rapidement et le récit passe à autre chose jusqu'à la prochaine tentative, ce qui ne permet pas de créer un climat de tension qui soit constant et cohérent avec les autres éléments de l'histoire. Le problème d'ambiance n'est pas aidé par le jeu des acteurs qui n'a rien d'excellent, certains sont même parfois assez médiocre, seul Laurence Fishburne demeure correct avec sa performance à demi-éteinte. Les dialogues représentent également un obstacle, souvent bêtes et inutiles, ils n'apportent aucun crédit ni à l'ambiance qui se veut effrayante, ni au propos tenu sur les thématiques relevant de la physique ou de la relativité générale. Un propos qui étoffe comme il le peut l'aspect « science-fiction » du film d'Anderson. C'est vraiment dommage... parce-qu'on perçoit tout de même une volonté de bien faire, quelques idées intéressantes pour créer de la tension narrative. Je pense par exemple au travail de suggestion qui est fait, où l'on imagine des choses sans qu'on ne les voit, notamment lorsque l'équipage du Lewis & Clark retrouve le livre de bord de l'Event Horizon.


Si les décors intérieurs des vaisseaux spatiaux sont plutôt réussis et crédibles, les effets spéciaux en images de synthèse le sont beaucoup moins. Le manque de budget et d'ambition à ce niveau-là se remarque terriblement. Ces trucages sont grossiers, artificiels et inesthétiques, surtout les objets en lévitation que l'on peut observer plusieurs fois durant le film. Une scène est particulièrement audacieuse dans son traitement : lorsque le personnage de Justin sort de son coma et tente de se suicider dans le sas de dépressurisation. On sent que le réalisateur et son équipe ont voulu faire quelque chose d'assez proche de la réalité en démontrant ce que le vide de l'espace pouvait causer sur un corps humain. Ce n'est pas non plus une franche réussite - la scène du sas dans « Sunshine » de Danny Boyle est quand même bien plus belle et impactante - mais cela atteste de la volonté de ne pas toujours choisir la facilité de la part de l'équipe de tournage. Néanmoins, ce point positif est totalement annihilé plus tard lorsque survient une abominable scène de destruction du vaisseau qui se dépressurise et où pullulent vilaines étincelles, flammes et explosions... en plein vide spatial bien entendu (hahaha).


Pourtant, « Event Horizon, le vaisseau de l'au-delà » parvient à tenir un rythme assez soutenu, bien géré. Malgré beaucoup d'erreurs, le métrage est prenant, il se laisse regarder plutôt facilement et l'on ne s'ennuie pas. L'équilibre est correct entre les scènes descriptives, les scènes de dialogues et les scènes d'actions - qui parfois utilisent des ralentis un peu douteux -, ce qui donne un résultat assez harmonieux entre les différentes dimensions de la narration. En dépit du fait que deux révélations soient gâchées par le simple titre de l'œuvre, le récit se construit sur plusieurs retournements qui donnent de la consistance à l'intrigue. La réalisation est très banale mais pas vilaine non plus. On sent tout de même que les influences sont un peu fortes. La mise en scène et les décors sont largement inspirés de la saga « Alien », l'esthétique des scènes d'horreur est calquée sur celle de la saga « Hellraiser », mais en moins aboutie.


« Event Horizon, le vaisseau de l'au-delà » est une réelle frustration car le long-métrage aurait véritablement pu être très bien alors qu'il se contente d'être seulement moyen. Plus de moyens financiers débloqués pour l'imagerie de synthèse, plus d'ambition et de rigueur dans l'écriture et la réalisation auraient donné, peut-être, un grand film. Le mélange des genres est une bonne idée mais souffre d'une exploitation assez médiocre. L'aspect de la science-fiction ne tient pas la route et s'écroule rapidement. L'aspect horrifique n'est clairement pas assez travaillé, l'ambiance est sans arrêt désamorcée par des séquences inadaptées pour conserver un climat de tension et de terreur. L'aspect fantastique est peut-être le plus réussi mais vient contredire d'autres éléments de l'histoire. La réalisation loupe le coche et manque d'assurance, la mise en scène de Paul W.S. Anderson n'est pas assez personnelle et pioche des idées déjà exploitées chez des cinéastes plus talentueux. En conclusion, c'est vraiment dommage, cela aurait pu donner un film très correct.

SNBlaster
4
Écrit par

Créée

le 20 août 2019

Critique lue 83 fois

SNBlaster

Écrit par

Critique lue 83 fois

D'autres avis sur Event Horizon : Le Vaisseau de l'au-delà

Event Horizon : Le Vaisseau de l'au-delà
LeTigre
7

Un vaisseau mystérieux et cauchemardesque !

Paul S. W. Anderson n'a peut-être pas su conquérir les fans de Mortal Kombat avec sa précédente production éponyme ratée et sous-exploitée, cela ne l'a pas empêché de nous prouver qu'il est capable...

le 22 mai 2018

25 j'aime

5

Du même critique

Je vous salue, Sarajevo
SNBlaster
9

Deux minutes de poésie

Jean-Luc Godard, réalisateur français de renom qui marqua le cinéma à une échelle internationale et inspira de nombreux cinéastes par la suite, célèbre figure du mouvement de La Nouvelle Vague, est...

le 16 juil. 2019

32 j'aime

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
SNBlaster
5

Écarlate en demi-teinte (saisons 1 à 3)

Depuis déjà deux ans, la série télévisée américaine créée en 2017 par Bruce Miller et diffusée par Hulu, « La Servante écarlate », est régulièrement saluée par les critiques, amateurs comme...

le 28 août 2019

30 j'aime

25

Sweet Home
SNBlaster
3

Sour Home (Saison 1)

Une critique à chaud pour une série que je n'ai pas réussi à terminer. C'est extrêmement rare que je ne puisse arriver au bout d'une série. Même lorsque c'est très médiocre, je fais l'effort...

le 27 déc. 2020

15 j'aime

6