Exodus
6.7
Exodus

Film de Otto Preminger (1960)

C'est un film au long cours, animé d'une ambition narrative et lyrique : un film à grand spectacle, du hollywoodien hors d'Hollywood. Otto Preminger, Paul Newman, la guerre. J'avais quelques bonnes raison de regarder cet ancien film et je ne l'ai pas regretté. De l'oeuvre visionnée seul en deux parties, je retiens quelques éléments que je présente de manière décousue.

-Il y a Paul Newman : quel acteur! Je l'avais découvert dans Butch Cassidy et son duo avec Robert Redford m'avait soufflé : plastique du visage impeccable, des expressions justes, un regard extraordinaire. Ici, il joue sur ses mêmes qualités mais dans un registre plus cabotin, insolent. Il part quand même de loin : s'appeler Ari Ben Canaan, être l'acteur de la place d'hollywood qui doit le plus ressembler à un aryen et jouer un juif qui sauve d'autre juifs, il fallait le faire ! J'ai eu du mal à m'habituer à ce que je situe à la frontière de l'imposture.

-La musique :superbe, terrible, tendue et grandiose. C'est elle qui ramène le film à un univers hollywoodien. Les décors divers, cailloux de la méditerranée, désert hébreu, fond de cales ne cessent de nous inviter à l'évasion tandis que la composition orchestrale assène l'origine de production, comme le sceau sur la lettre jadis.

-Tout comme le personnage principal, sa famille est aussi improbable : sa soeur qui a l'air de débarquer tout juste de Californie, alors que ses parents ont l'air d'être nés au bord de la Méditerranée?

-Le message est clair. Les longs plans des juifs derrière les barbelés, faisant la queue et aux visages fermés participe de l'esthétique des barbelés qui est apparue progressivement après la guerre pour évoquer les camps. Newman incarne bien la révolte face à la situation critique dans laquelle se trouvent les émigrés parqués dans des camps sur l'île de Chypre. Malheureusement, le film est bien trop romancé pour mériter une quelconque valeur historique : se fondant sur des faits réels, il est bien trop invraisemblable pour qu'on lui trouve des côtés de documentaires. On reste dans le registre symbolique du berger Ben Canaan qui guide son troupeau vers la terre promise. Au fond ce film reflète bien le rapport d'Hollywood à l'histoire collective : on en extrait une substance susceptible d'émouvoir et de divertir mais on fait peu de cas des rapports complexes entre les intervenants.

-Le personnage improbable de Karen Hansen, une sur-aryenne orpheline, sûre d'elle et diaphane qui se retrouve au milieu de ses gens : elle aura un choix à faire entre une adoption et un départ aux Etats-Unis, ou retrouver le padre.

-Les anglais, enfin un peu égratignés au cinéma pour leur premier rôle dans la mise en place de cette réussite mondiale qu'est la Palestine aujourd'hui. Sérieusement entre ça et la guerre de l'opium en Chine, je ne comprends pas qu'il n'y ait pas plus de film à charge contre ces champions de la politique étrangère.

-De manière générale, le film pose un regard nuancé sur les différents camps : les anglais, l'Irgoun, les palestiniens. Ceux-ci sont d'ailleurs abordés à travers la thématique de la terre, leur grande revendication. Plusieurs fois revient le thème de la fraternité entre juifs et palestiniens car ils sont nés au même endroit, ont grandi ensemble. C'est le motif d'espoir et la perspective de réconciliation apportée par le film. Une thèse timide en somme.

De la vision de ce classique, je retiens de l'émotion, des scènes très justes comme la mort du guetteur dans les collines ou l'interrogatoire dans les locaux de l'Haganah. Les personnages sont attachants, la reconstitution est grandiose, aidée en cela par les foules et le décor. C'est dommage que ce film ne soit pas aussi célébré aujourd'hui que d'autres classiques de l'époque, car malgré le format hollywoodien, une grande force s'en dégage. Je le recommande donc, en une fois si vous y arrivez (Je lance le défi au lecteur!).
Fabrizio_Salina
6
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le 29 juil. 2014

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Fabrizio_Salina

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