Bill Harford est un médecin dévoué et généreux qui se consacre pleinement à son travail. Pour lui, son couple est solide et il n’est pas question d’infidélités, ni de son côté ni du côté de sa femme à qui il fait entièrement confiance. Mais cette dernière pense différemment, et désespérant de le rendre jaloux, elle lui raconte sans fards des rêves intenses où elle le trompe. Le personnage joué par Nicole Kidman, mère et femme aimante, apparaît sous un jour bien différent, débordante de désir inassouvi. Choqué, Harford est décidé à ne plus résister à la tentation et part la nuit en quête d’une aventure d’un soir. Incapable de se débarrasser des horribles visions de sa femme dans les bras d’un autre, il rencontre durant son escapade divers personnages débauchés, et atterrit dans la plus étrange des soirées au sein d’une grande demeure. Une étrange secte où tout le monde porte des masques, où de nombreuses femmes sont complètements nues et où les gens baisent à la vue de tous. La situation va prendre une toute autre ampleur lorsqu’il est démasqué et reçoit des menaces pour qu’il garde silence.
Quelle place l’infidélité a-t-elle dans un couple ? C’est la question que pose le film, qui répond sans concession sur la perversité humaine à laquelle le docteur va être confronté, ainsi qu’à ses propres désirs enfuies. Un voyage durant lequel il n’en sortira pas indemne. Derrière le luxe et les apparences, les personnages dévoilent ainsi un aspect bien moins envieux.
La réponse du film n’est pas de celle que l’on a envie d’entendre, et va à l’encontre de la conception romantique qui prédomine dans notre société. L’amour n’empêche pas d’aller voir ailleurs, en vraie ou en rêves. Quoique l’on puisse ressentir pour son conjoint et aussi bien que se porte le couple, il est inévitable de ressentir une attirance pour autrui, car plusieurs éléments peuvent nous attirer dans le sexe opposé, et aussi convenable que le conjoint puisse être, il n’a pas tous ces éléments. C’est aussi l’éternel conflit entre la passion et la stabilité. Pour qu’un couple puisse durer, il faut donc savoir fermer les yeux sur ses écarts, plutôt que de nier leur existence.
Dans son dernier film, la réalisation du génial Kubrick fait à nouveau toute la différence. Des scènes dérangeantes et la musique aboutissent à une atmosphère oppressante. Les scènes dans le château sont à ce titre mémorables : les masques, inquiétants ou étranges, cachent la véritable identité des êtres qui peuvent se laisser à toutes les débauches. L’espèce de cérémonie rituelle ou un homme tout vêtu de rouge, psalmodiant des étranges paroles, fait le tour d’un cercle de jeunes femmes, qui se dévêtissent, et choisissent à tour de rôle leur partenaire sexuel. Enfin, Nicoles Kidman, fréquemment dévêtue (comme au tout début du film, qui donne le ton), est étonnante, pleine d’une sensualité à la fois dérangeante et captivante.
Des scènes osées et choquantes sans doute à l’origine du statut controversé de ce film, mais qui pour moi mérite quand même sa place dans la filmographie du réalisateur.
« Eyes wide shut » est le genre de films qui montre des images qu’il n’est plus possible d’oublier une fois en tête, comme chez le docteur.