Fatima par Sabine_Kotzu

Film de 2015 revu sur grand écran cette année. Philippe Faucon, c'est toujours un regard fidèle et patient sur les fractures intimes et sociales. Un troisième film sur la vie des minorités maghrébines et les voies de l'intégration, plein de douceur et de force, de poésie aussi, bien loin de la caricature dans laquelle le film aurait pu tomber. Une mère, deux filles, trois femmes d'âge différents, à la croisée de deux cultures, essayant chacune à leur façon d'améliorer leur condition sociale. Nesrine, l'aînée (lumineuse Zita Hanrot), brillante étudiante qui veut réussir ; Souad, la petite soeur, collégienne révoltée et mal dans sa peau parce qu'elle ne supporte pas que sa mère, socialement dévalorisée, "vive comme un torchon" ; Fatima, la mère, exemplaire et dévouée, à la présence diffuse et discrète, souffrant de mal parler la langue de ses filles, le français. Trois beaux portraits féminins, pudiques et forts, dans des instants ordinaires. Mais c'est bien un récit sur Fatima, la mère, que propose le film, d'abord discrète, presque effacée, protectrice sans être envahissante, comme le suggèrent les premiers plans, où elle apparaît souvent en bord cadre ou en amorce floue, silhouette indistincte. Puis Fatima s'impose peu à peu, surtout par sa voix inérieure et le journal intime qu'elle tient et qui révèle une personne déterminée. Un beau moment de cinéma. Faucon fait de l'état des lieux réaliste un art modeste mais beau et noble.