Fedora
7.3
Fedora

Film de Billy Wilder (1978)

Bon, il n'y a pas à dire, Billy Wilder sait raconter les histoires, qui plus est des histoires sur le 7ème Art. Quelque part, il faut voir Fedora comme une suite fantasmée ou une réécriture inversée de Sunset Boulevard. Comme dans Sunset Boulevard, le film commence par la mort du personnage principal, les causes sont semblables, la manière est différente.


Le film est très plaisant à voir, la première heure notamment est jouissive. En effet, on se doute très tôt dans le métrage qu'il y a une couille dans le potage. Mais l'intérêt n'est pas de nous surprendre en nous disant "Fedora n'est pas celle que vous croyez" puisqu'on le comprend seul, mais plutôt l'intérêt réside dans le processus, c'est-à-dire la façon dont Antonia est devenue Fedora, et surtout pourquoi il en est ainsi. C'est pourquoi, la deuxième partie du film est à mon sens moins pertinente, dans la mesure où elle est un peu trop explicative et descriptive. Mais la grande force du film -au-delà de la fluidité impeccable du récit- est sa réflexion sur la vieillesse, l'image et la célébrité. Au cinéma, on joue un rôle. Mais pour conserver son image, on joue également un rôle dans la vraie vie. La frontière entre la fiction et la réalité n'existe plus vraiment. Cette idée est d’ailleurs personnifiée dans un plan très important du film, celui où Antonia/Fedora reçoit un Oscar, qu’elle a désiré toute sa carrière.
On observe, du point de vue de la vraie Fedora qui est à sa fenêtre, la remise du prix par Henry Fonda (jouant Henry Fonda). On voit alors l’envers du décor avec le photographe qui prend plusieurs photos et on réalise à quel point tout est une question d’image et de mise en scène.

Ainsi, Fedora traite de cela, et soulève la question suivante "Pouvons-nous conserver notre bonne image éternellement ?". À travers son plan, Fedora (le personnage) répond partiellement à cette question, et le dialogue final entre Fedora et Dutch est très représentatif du crédo machiavélien « La fin justifie les moyens. »




  • Vous avez le sens du spectacle.

  • Il faut soigner la fin. C’est ce dont les gens se souviennent. La grande sortie. Le dernier gros-plan.

  • Même si c’est la doublure ?

  • Il faut entretenir la légende.



Ce dialogue a une double lecture. La fin peut représenter frontalement la mort d’Antonia (et donc la fin de l’icône Fedora) mais elle représente également l’objectif final du plan machiavélique de la vraie Fedora.

Par ailleurs, ce dialogue m’a rappelé le fameux « Print the legend » de John Ford (L'homme qui tua Liberty Valance).


Le film, bien entendu, offre un culte de la jeunesse. Quand Antonia remplace Fedora, le spectateur voit toujours Fedora parce qu'elle incarne bien plus qu'une simple actrice, elle incarne une icône représentant la jeunesse. Mais à côté de ça, Billy Wilder s'amuse avec la confrontation jeunesse/vieillesse, en nous montrant Henry Fonda, vieux et jouant son propre personnage ou encore en donnant à William Holden le « gros rôle ». Ironiquement, ce dernier a pris un sacré coup de vieux. Et pourtant, dans Sunset Boulevard, il meurt alors qu’il est jeune. Ici, il reste en vie malgré sa vieillesse. En somme, B. Wilder joue avec les attentes du spectateur en mêlant fiction et réalité.


Concernant les interprétations, elles sont toutes convaincantes. Marthe Keller interprète avec brio la lumineuse mais manipulée Antonia. Les autres rôles sont également très bons, même si le personnage d’Antonia jeune est terriblement mal joué ! Heureusement, l’enfant n’apparaît que 2 minutes à l’écran, mais ce sont 2 minutes vraiment ratées.


Finalement, Fedora est une œuvre mineure dans la filmographie incroyable de Billy Wilder, mais le film n’en reste pas moins excellent. On regrette surtout la deuxième partie, un peu trop explicative mais l’ensemble reste très convaincant, puisqu’il nous offre un très bon divertissement tout en apportant des éléments de réflexion.
La vieillesse est inéluctable (comme le « suicide » d’Antonia), mais alors faut-il opter pour l’option de Fedora en luttant coûte-que-coûte contre la vieillesse (quitte à finir dans un fauteuil roulant, le visage déformé) ou plutôt accueillir la vieillesse dignement comme Dutch ?

sachamnry
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2020: découvertes et redécouvertes filmiques, Double Je - La Cinetek, Les titres courts, ça en dit long... et Les meilleurs films de Billy Wilder

Créée

le 4 mai 2020

Critique lue 512 fois

10 j'aime

4 commentaires

sachamnry

Écrit par

Critique lue 512 fois

10
4

D'autres avis sur Fedora

Fedora
Docteur_Jivago
9

Un Crépuscule Agité

Avant-dernier film du géant Billy Wilder, à qui l'on doit notamment les remarquables Boulevard du Crépuscule, Certains L'aiment chaud ou encore Le Poison, Fedora se rapproche du premier cité par sa...

le 5 avr. 2014

24 j'aime

5

Fedora
Cultural_Mind
8

Tout n’est que fiction

Sous Billy Wilder, Hollywood se drape dans des atours d’astre mort. Pénétré à larges flots par une mélancolie crépusculaire, indexé au déchirement, l’épicentre du cinéma américain se fend d’une moue...

le 1 déc. 2017

20 j'aime

1

Fedora
-Marc-
9

Le spectacle continue

Presque trente ans après "Boulevard du Crépuscule", Billy Wilder revient à la charge et casse le mythe de l'usine à rêves. Derrière le drame apparent, transparait une comédie pleine de finesse et...

le 11 avr. 2014

13 j'aime

3

Du même critique

Les Choses qu’on dit, les choses qu’on fait
sachamnry
8

Les Choses de la vie, les choses qu'on envie

Je désirais voir ce film. J’ai aimé ce film. J’aurais apprécié ne voir que ses qualités. J’aime les choses qu’on dit, mais apprécie davantage les choses qu’on fait. Et justement, là où le dernier...

le 16 sept. 2020

21 j'aime

3

Mademoiselle de Joncquières
sachamnry
8

"L'amour est une offense pour ceux qui en sont dépourvus"

Emmanuel Mouret, diplômé de la Fémis, nous présente son dernier long-métrage, une adaptation de l’histoire de Madame de la Pommeraye issue du conte philosophique de Denis Diderot, Jacques le...

le 20 avr. 2019

17 j'aime

8

Le Voleur de bicyclette
sachamnry
8

Les voleurs d'espoir

Le Voleur de bicyclette est un monument du cinéma néoréaliste italien, et pour cause il synthétise toutes les composantes de ce mouvement : les décors naturels, les acteurs non-professionnels et les...

le 21 mai 2020

11 j'aime

6