J'ai été surpris d'entendre, en sortant de la salle : "c'était nul, on connaissait la fin avant même de rentrer dans la salle". Et, en effet, forcé de constater que ce biopic retrace bien la vie de Neil Armstrong. Donc oui, spoiler alerte, il finit par marcher sur la surface de la Lune (sans vélo ni trompette néanmoins).
Pour faire bref, j'ai beaucoup apprécié cette conquête de l'espace au réalisme froid. En plein concours de "celui qui a la plus grosse", les Etats-Unis défie l'URSS sur les grandes étapes de l'exploration spatiale. Et comme souvent, vite et bien, c'est pas évident. On s'en rend compte au travers d'un très bon Ryan Gosling, jouant à la perfection sur cette étroite limite entre brave et téméraire. Meurtri par la perte de sa fille, il nous questionne régulièrement sur ses motivations. Au fil des missions, les échecs (et les pertes humaines, inévitablement) s'accumulent, mais le pilote distrait reste néanmoins d'une détermination sans faille (sa vie aurait-elle aussi peu de valeur à ses yeux, à l'image de la phase de test du module d'alunissage ?). Et c'est selon moi la principale force de ce film : un personnage hanté, seul, comme si son chagrin ne pouvait être compris, voyant ses frères d'armes tomber à ses côtés sans comprendre pourquoi la foudre ne l'atteint pas, toujours plus seul, terriblement. C'est à croire que Neil a besoin de s'éloigner de l'ensemble de l'humanité (-2) d'une distance de près de 380 000 km pour enfin pouvoir souffler. Bruyamment ? Non.
Car c'est là le second bon point du film : la gestion de ses ambiances (dont sonores) pendant les phases de vol ou dans l'espace. Plusieurs fois durant le long-métrage, et dès la scène d'introduction, je me suis surpris à me crisper. Me tenir à mon siège, me serrer avec les mains mes genoux. Parce que l'immersion est totale. Les plans étroits sur les visages des personnages, sur les modules spatiaux sur lesquels on voit presque les traces de doigts de ceux qui les ont construits, ou encore sur les compteurs. On sent l'habitacle trembler, les boulons vibrer, et on se rend compte que, contrairement à la majorité des films traitant de l'espace, les habitacles sont bidouillés au possible, fragiles, bien ridicules face au danger qu'ils sont censés protéger. Mais la récompense est là, et lorsque le module se pose sur la lune, que la porte s'ouvre et que l'habitacle se dépressurise ... plus rien. Un silence assourdissant, de ceux qui vous font retenir votre respiration. En apnée, vous entendez alors ces mots qui ont marqués l'histoire.
Bien sûr, on trouvera au film des défauts, et pour rester sur la forme, je n'ai pas vraiment saisi l'intérêt d'une caméra à l'épaule de bout en bout, qui parfois va même casser l'immersion qu'elle est censée servir. J'ai également trouvé trop artificielle la "concurrence" entre Neil et un Buzz Aldrin un poil caricatural (mais heureux de revoir Corey Stoll, aka Peter Russo dans House of Cards). Mais au final, on retiendra de "First Man, le premier homme sur la Lune" un hommage à un homme qui restera à jamais le premier.
Ah oui, au fait, essayons de ne pas oublier Michael Collins, le gars qui est resté en orbite autour de la Lune pendant que ses potes marquaient l'histoire, dans l'incapacité de communiquer avec la Terre. « La personne la plus solitaire sur et en dehors de la planète », entre autres.