Tu seras une femme, ma fille.

Il y a tout d'abord la beauté - des paysages d'Afrique, des visages à demi cachés sous des voiles. Puis celle de Waris, petite fille trop tôt mariée à un vieil homme et qui parvient à fuir le chaos pour gagner Londres. C'est la première chance de sa vie.

La deuxième aura lieu dans un fast-food où elle passe la serpillière, parlant à peine anglais, ce jour où un célèbre photographe britannique lui tendra sa carte - qui l'amènera ensuite à poser pour le calendrier Pirelli, lui offrant la consécration.

Ce biopic sur la vie de l'extraordinaire Waris Dirie vaut pour de nombreuses raisons le détour, ne serait-ce que pour la prestation impeccable de Liya Kebede, liane dorée d'une grâce infinie, avec ce visage qui rieur, qui ravagé de larmes..

Et de larmes, ce film ne manque pas. De mémoire, je crois que depuis Les invasions barbares, je n'avais pas autant pleuré sur un métrage, été aussi bouleversée par certaines scènes. D'ailleurs il en est une que je n'ai fait qu'entendre et c'était déjà bien trop - les cris de cette enfant qu'on excise m'ont dévastée. C'est une décharge électrique qui saisit le corps de la femme qui regarde, qui ne peut que s'identifier et se tordre de douleur à l'évocation de cette barbarie sans nom.

En ce 8 mars, date choisie pour la Journée internationale de la Femme, je suis heureuse d'écrire sur ce film qui en dit long sur les combats encore à mener pour que les femmes puissent vivre dignement sur cette terre.

Pour qu'aussi, les femmes occidentales cessent de se victimiser en permanence, de hurler au sexisme pour une blague grasse ou un sifflement sur leur robe. Ailleurs, en ce moment, des fillettes se font découper le clitoris puis recoudre sauvagement les lèvres : ça, c'est ce que j'appelle être une victime.

Il y a aussi des messages intéressants dans ce film lorsqu'on voit Waris faire très attention à sa consommation d'eau, elle dont la famille n'avait pas l'eau courante - sa fascination pour le robinet à un moment est très éloquente ! Nous oublions en Occident dans quel luxe nous vivons, nous prenons pour acquis des choses qui ne le sont pas pour la plupart des habitants de cette planète.

Bénéficiant d'une photographie superbe, qui offre un écrin somptueux à la plastique irréprochable de l'actrice, ce film porte aussi haut et fort des messages de tolérance et de parole qui se libère : il faut écouter le discours de Waris à L'ONU, si limpide et si vrai pour saisir que ce monde marche sur la tête.

Par ailleurs, tant que les femmes se rendront complices des barbares traditions du patriarcat - l'excision est pratiquée avec la bénédiction de la mère ! (Tout comme dans Mustang, les femmes s'accordent pour enfermer les filles), les choses ne pourront pas s'améliorer. Il faut une lutte générale de toutes les femmes face aux abus de la domination masculine. Pour que cessent les atrocités. Comment l'être humain peut-il encore en être à ce niveau d'ignorance, de cruauté ?

Un film renversant, un hymne à la beauté de la femme, à sa liberté et à sa voix - une fleur du désert au courage exemplaire.