L'insipidité du scénario est curieusement une des petites forces de ce film, car il évacue ainsi toutes les prétentions prompte à inhiber le divertissement (on est clairement pas là pour réfléchir ni révolutionner le cinéma). Il prend néanmoins le temps de poser son cadre et ses personnages, et fait patienter avec une petite scène de sexe assez généreuse dans la mise en scène (cadrée dans les plus extrêmes limites de ce que sa catégorie de censure oblige), le temps de faire jaillir le bourbier dans lequel se sont empêtrés nos personnages, et surtout pour nous présenter la femme au centre du récit, radieuse pauvre créature qui sera livrée aux perversions les plus abominables par nos yakuzas sans scrupules. L'introduction sert aussi à souligner ce qui sera l'une des principales qualités de Flowers and snake : la photographie. D'une très bonne tenue et soignant ses décors, c'est un petit cadre fastueux pour le simple plaisir bondage initialement promis. On part donc en toute confiance dans ce qu'on sait être un petit thriller malsain qui virera tôt ou tard dans la complaisance voyeuriste. Le générique d'intro offre d'ailleurs une bonne représentation du film : un hideux serpent numérique (hélas, c'était inévitable) enserre dans une interminable caresse un corps de femme avant de s'enfoncer profondément dans sa gorge. Inutile de se répandre en métaphores graveleuses, on sent déjà une ambiance stylisée tout à fait bienvenue pour satisfaire nos esprits dérangés. Et une fois que la machine se met en branle, tout le charme des coutumes japonaises opère. Dans un respectueux hommage au Eyes Wide Shut de Kubrick (ou un pompage éhonté, allez savoir...), une assistance masquée observe, sur une scène éclairée, notre chanteuse, son mari et son associé enchaînés et parés de costumes de latex, prêts pour le grand show. A laquelle se joindra une connaissance de nos chanteuse, ainsi qu'une dominatrice yakuza perverse qui ne recule devant aucun outrage moral, y compris le saphisme... Bref, bondage, mise en croix, muselières et autres accessoires vibrants, Flower and Snake ne nous refuse rien, et organise ses visions en crescendo, histoire de nous tenir en haleine jusqu’à son grand final. Grand final qui culmine assez jubilatoirement dans la catégorie des œuvres hentaï, et qui pousse son mauvais goût à retourner la situation en lui donnant une petite issue « morale » assez drôle, car même humiliée de la sorte, notre héroïne voit son pouvoir de séduction se décupler, et alors même qu’elle est livrée à l’appétit du chef des yakuza, elle se sert carrément du désir qu’elle suscite comme d’une arme. En fait, c’est une issue féministe, avec les hommes aveuglés par leurs désirs lubriques et la gentille épouse (pas la nymphomane de service, elle recevra une petite punition pour ses mœurs dissolues) qui reprend les choses en main. Ma foi, si le bon goût n’est pas toujours convoqué (le présentateur des orgies, toujours en vêtements de fille et hystérique), un certain sens des clichés pervers et une mise en scène d’assez bonne qualité font au final de Flower and snake un divertissement érotique d’assez bonne tenue, plutôt amusant pour le pervers qui sommeille parmi les spectateurs, et un sympathique essai quand il est pris au second degré (mais franchement, il serait mal avisé de l’aborder sous un autre angle).
Voracinéphile
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le 1 nov. 2014

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