Ha, j'ai des sentiments mélangés vis-à-vis de ce western, mais le bon, c'est-à-dire la forme, l'emporte sur le fond, c'est-à-dire un scénario assez archétypal.

Guerre de sécession, Monument Valley. Un camp de prisonniers sudistes, à peu près aussi nombreux que leurs gardiens. La menace des Indiens autour. Un tunique bleu revient, avec un fugitif tenu au bout d'une corde, dans un état lamentable. Le colonel Roper (William Holden) ne fait pas dans la dentelle. Arrive une jeune femme, amie de la fille du commandant, laquelle se marie bientôt avec le collègue de Roper, Beecher. Roper et elle convolent, mais en réalité c'est l'amante d'un des prisonniers, le colonel John Marsh (John Forsyte), et elle prépare leur évasion.

Ils s'évadent la nuit des noces. Roper ne laisse rien voir de sa colère mais se lance à leur poursuite avec Beecher. Poursuivants et poursuivis sont piégés par les mescaleros et doivent faire cause commune. Mais la cavalerie arrive toujours à temps...

C'est vraiment comme un vieux John Ford (disons jusqu'à "La prisonnière du désert"). Il y a des paysages de Monument Valley en technicolor, souvent somptueux (levers ou couchers de soleil avec une ribambelle de cavaliers qui défilent au premier plan). Il y a des Indiens montrés de manière pas politiquement correcte comme une menace, encore qu'ils sont très intelligents : ils cernent les héros dans un rond de lances, puis se retirent et utilisent les lances comme repères pour lancer un déluge de flèches en tir parabolique. Il y a un héros taciturne, qui rêve cependant secrètement de fonder un foyer : on est forcément ému par le personnage de Roper, avec sa brutalité visible dès le début, et son jardin de roses. Beaucoup de personnages sont marqués par un dilemme moral, par un dualisme plutôt que par une véritable ambiguïté. Simplement, quelques ficelles sont un peu grosses, comme Bailey le lâche qui trouve sa rédemption en allant chercher sa cavalerie. Si les scènes d'action sont magnifiquement découpées (la séquence du déluge de flèches n'a rien à envier à Eisenstein), le dénouement a quelque chose d'un peu téléphoné, surtout avec la chanson un peu couillonne. Aujourd'hui, clairement, ça ne passe plus.

Mais bon, ce final faible ne doit pas faire oublier toutes les qualités du film dans son ensemble. A commencer par des dialogues assez culottés, mais comme d'habitude, le Code Hayes n'a rien vu venir :

(Roper s'approche de la fille par derrière et ferme ses bras sur elle)
Elle : "- Qu'est-ce qui vous rend si sûr de vous ?
Roper : - Vous.
- Et qu'est-ce qui vous rend si sûr de moi ?
- Votre façon d'allumer le cigare d'un homme".

"Fort Bravo" est un western aux personnages très solides, avec des séquences mémorables, qui pâtit simplement d'un dénouement un peu trop heureux pour être honnête.
zardoz6704
7
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le 11 nov. 2013

Modifiée

le 11 nov. 2013

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zardoz6704

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