La France a pleurs

Rarement attiré par le cinéma de Bruno Dumont, j'ai pourtant peu hésité à me déplacer en salles. L'affiche, le sujet, une bande-annonce plutôt convaincante... Tout semblait réuni pour que « France » soit le film le plus accessible et grand public de son réalisateur, ce qui est d'ailleurs le cas. Pourtant, j'ai été déçu. Il y a de bonnes choses, incontestablement : si Dumont prend soin de n'aborder aucun événement d'actualité, il est en revanche cinglant sur le traitement de l'information par les grandes chaînes, bien plus dans une logique spectaculaire et de reportages à sensation qu'un document argumenté, n'ayant pas été remonté dans tous les sens pour faire plus « stylé ».

C'est dans cette logique que l'œuvre commence

et à ce moment, nous sommes loin d'imaginer tous les chemins de traverse qu'elle va prendre. Certes, cela évite le côté « gloire et chute d'une vedette », souvent efficace mais déjà vu. Sauf que là, l'ami Bruno va dans tellement de directions qu'on ne comprend presque plus du tout où il veut en venir.

Faire de France une héroïne complexe, ambiguë, se posant des questions sur son rôle de journaliste, pourquoi pas, et j'ai été sensible à certains choix, doutes forts compréhensibles. Garder une part de mystère, éviter la démonstration : très bien aussi. Mais à force d'avoir un regard presque distancié, de ne jamais expliquer les tergiversations, les changements d'avis constants, ce personnage perd beaucoup de crédibilité et, surtout, on s'en désintéresse. On sent que le réalisateur cherche autant à la critiquer qu'à l'épargner, renforçant ce côté hybride de l'œuvre, où cette protagoniste omnipotente passe par tous les états

problèmes familiaux compris, notamment incarné par un Benjamin Biolay semblant s'en foutre encore plus que d'habitude (ce qui n'est pas peu dire).

En définitive, ce regard acerbe (et sans doute très justifié) sur les médias télévisés passent trop souvent au second plan, presque par à-coups, l'occasion d'offrir sans doute la plus grande lèche-cul de l'Histoire du cinéma en la personne de Lou, vrai rôle de composition pour Blanche Gardin, sans changer d'un millimètre son jeu habituel (avec succès). On ne sait plus vraiment ce que Dumont cherche à exprimer, dont le discours peut être interprété de mille façons différentes, où peuvent se retrouver aussi bien la gauche que l'extrême-droite, ce qui est assez paradoxal au vu des promesses initiales.

Pourtant, ces deux heures treize n'ont rien d'interminables, l'auteur de « P'tit Quinquin » réussissant même à créer une forme d'attente quant à la suite des événements, ces péripéties ayant, au moins, le mérite de rendre le récit relativement imprévisible. Il montre également un vrai talent pour réussir quelques scènes marquantes

tandis que Christophe (dont ce sera, évidemment, le testament) offre une bande-originale étonnante, à la fois ample et planante, teintée de sons électroniques faisant belle impression.

Il y aurait encore beaucoup à écrire sur « France », et j'avoue avoir rarement eu autant de mal à analyser un film qu'ici. Si je devais en faire un résumé très succinct, je dirais qu'il est à l'image de Léa Seydoux : pas si bien, pas si mal. Intrigant, à défaut d'être convaincant. Bruno Dumont devient plus abordable, tant mieux. Au vu des promesses initiales, on était toutefois en droit d'espérer (beaucoup) mieux.