---Bonjour voyageur égaré. Cette critique fait partie d'une série. Tu es ici au quinzième chapitre. Je tiens à jour l'ordre et l'avancée de cette étrange saga ici :
https://www.senscritique.com/liste/Franky_goes_to_Hollywood/2022160
Si tu n'en a rien a faire et que tu veux juste la critique, tu peux lire, mais certains passages te sembleront obscurs. Je m'en excuse d'avance. Bonne soirée. --


tendre ami,


je suis comblée de bonheur. Il se trouve par une heureuse conjoncture que l’arrivée de tes lettres de réconforts répondant aux heures les plus sombres de mon mois thématiques coïncide avec le retour de Frankenstein dans un cinéma de qualité.
Il me semble que Frankenstein Junior était, peut-être à ex-æquo avec la Fiancée de Frankenstein, le film que j’attendais le plus ce mois. Il faut dire, Mel Brooks n’est pas n’importe qui, son humour est réputé, on me l’avait vanté, et moi, j’aime bien l’humour bien fait sur les monstres que je met à l’honneur tous les ans. Ça me change un peu de l’horrifique et du fantastique, et étrangement, c’est très souvent passionnant, prenant un recul hallucinant sur la situation du monstre en question, à l’époque de réalisation du film, sur sa place dans la culture, ce qu’il implique, ce qu’il évoque. Bref, c’est souvent le moment ou je fais un bond dans ma propre compréhension dudit monstre. Alors je cesse les propos génériques et j’attaque.
Frankenstein Junior est une merveille. Voilà, comme ça c’est dit. Mel Brooks, le grand détourneur de genre s’en prend cette fois au fantastique et c’est brillant. J’ai bien écris fantastique : je vois bien plus le film comme une parodie du genre dans son ensemble que de Frankenstein seul. Prends en pour preuve la mise en situation elle même : le descendant de Frankenstein débarque en Transylvanie et entend dans la nuit des hurlements de loups. Tout est dit. C’est étrange car là où, à priori, j’aurais du trouvé paresse de sa part de s’atteler à un énième remake de la seule des trois légendes évoquée à avoir un récit bien défini, je ne trouve à la sortie finale qu’élégance dans ce geste. Car quoi de plus compliqué finalement que de reprendre un scénario de base assez rigide, et ayant en plus été tordu dans un sens de plus en plus horrifique par les précédents adaptateurs, que de s’essayer à courber la barre dans l’autre sens pour en faire une histoire comique ? Il faut savoir jauger entre fidélité au récit, liberté créatrice et nécessité comique. Là-dessus, c’est un sans faute.

Là ou Mel Brooks prouve son génie, c’est en réussissant là ou d’autres avant lui on échoué platement : ce que je reprochais à Deux Nigauds Contre Frankenstein, ce que je reprochais l’année dernière à Wolfcop : savoir adapterr ses blagues à son sujet. Mel Brooks n’a pas choisi son thème et son univers au hasard, il ne s’en sert pas non plus simplement pour mieux vendre un film comique tout a fait lambda : Chaque gag est basé sur l’univers horrifique, est en référence au mythe de Frankenstein, où en réponse même au style Universal Monsters. C’est incroyable cette habileté qu’il a à reproduire leur schéma de film à la perfection, s’appuyant sur les mêmes décors mi carton-pâte mi langoureusement obscurs, sur les mêmes personnages mi caricaturaux mi psychologiquement troubles, sur les mêmes monstres, bien évidemment, sur le même noir et blanc expressionniste, bref, c’est une copie parfaite, et c’est grâce à cette perfection que les blagues qui y sont greffées n’en sont que plus drôles.
Petit bémol, j’ai commencé à m’ennuyer pendant la deuxième heure. Le scénario joue les prolongation, et le personnage du shérif, rigolo à sa première apparition, fait s’éterniser la même plaisanterie, la rendant fade et inefficace.
Passons ce n’est pas important. Ce film est un pilier de ses deux genres -fantastique et humoristique, une pierre angulaire au mythe de Frankenstein, bref, un grand film. De lui je ne retiendrais que la finesse de son détournement des scènes mythiques des deux premiers opus chez Universal, la scène de la petite fille et la scène de l’aveugle, jouant sur l’attente du spectateur et jouant le contre-pied pour déclencher l’hilarité, du grand art. J’en retiendrais son habileté à mêler les genres, à rendre hommage tout en ridiculisant, et surtout cette scène qui condense le gag et l’effet horrifique, en diagnostiquant que les deux, en effet, peuvent jouer sur l’effet de surprise. On est glacé et on rit en même temps. Je n’avais vu ça nul part ailleurs. J’en retiendrais également sa capacité à faire danser les claquettes à Frankenstein et sa créature, et à, malgré tout, comprendre si bien la personnalité de ces deux là, les contradictions qui les tiraillent, leurs besoins, leurs peurs, leur relation, bref, toute leur finesse originale.


Je suis comblée, heureuse aussi de voir que tu réponds à mes lettres aussi assidûment que je regarde mes films ce mois. J’ai atterris par ailleurs à ma destination, et je me dirige vers les glaciers. Il n’y a que peu d’endroit ici ou Wulver aura pu s’établir, je serais vite fixée. Si je le retrouve, je ne saurais plus ou stocker tout ce bonheur qui s’accumule…


Prends soin de toi,
H.

Zalya

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