Vous pensiez avoir vu des films violents ? Détrompez-vous
Je ne sais aucunement comment aborder la critique de ce film. Avant de le visionner je savais grossomodo à quoi m'attendre à la lecture du synopsis: une famille se faisant séquestrer par deux jeunes hommes. Un scénario qui promettait d'être violent donc. Seulement il y a violence et violence, et celle présente dans ce film dépasse, même surpasse la raison humaine. (/SPOILER durant touuuuute la critique)
Je n'avais encore jamais arrêté un film en cours de route à cause de la violence de son contenu, c'est la première fois que ça arrive et j'ai presque envie de pester: Michael Haneke a totalement réussit son pari. D'un bout à l'autre du film, le spectateur est entièrement "manipulé" par ce qu'il voit; le réalisateur joue avec nos émotions de manière habile en cassant les codes classiques du genre. J'avais dit dans une critique sur "Le Projet Blair Witch" que la suggestion, l'imagination du spectateur, était la meilleure source de peur existante; et bien je confirme à nouveau mes dires sur ce film dont les suggestions sont absolument terrifiantes. On a beau avoir un mental d'acier bétonné en ciment de titane que notre imagination est obligée de fonctionner dans les cas ou l'action principale est "masquée".
La scène ou le gamin de la famille se fait éclater la cervelle par un des deux jeunes hommes en est un exemple type: pendant que la famille est séquestrée dans le salon, les deux "psychopathes" leur annoncent que l'un d'eux va se prendre une cartouche dans la caboche. A ce moment on change de plan et on nous montre un des deux jeunes hommes en train de faire quelque chose de banal dans la cuisine, puis on entend un coup de feu. Le spectateur ne peut pas ne pas imaginer la scène dans sa tête et c'est en ça que le réalisateur est fort, il nous oblige à faire travailler notre imaginaire et nous fait nous terroriser tout seuls.
Mais notre imaginaire n'est pas le seul en cause dans cette affaire. Le film donne le ton dès le départ : une famille classique père/mère/enfant/chien dans une voiture se dirigent vers leur maison de campagne pour profiter de vacances. Là déjà, le thème du jeu (récurrent tout le long du film) est présent puisque la famille s'amuse à deviner les compositeurs des musiques classiques qu'ils entendent. Une musique violente, avec des paroles totalement déconstruites et hurlées de manière décomplexées vient s'imposer sans aucune raison sur l'image de cette famille paisible, déjà on comprend que la suite ne va pas être simple à regarder. La famille s'arrête devant la villa de leurs amis, voulant saluer ces derniers, les parents remarquent alors la présence de deux personnes qu'ils ne connaissaient pas et trouvent étrange le comportement de leurs confrères qui semblent avoir du mal à leur répondre, mais bon, c'est les vacances, ce détail est vite oublié par la petite famille. Mais pas par le spectateur, qui commence à sentir qu'y a une sacré couille dans le potage et que la petite famille risque d'en boire de ce potage.
Malgré la violence morale et physique bien présentes dans le film, il faut prendre un peu de recul (2 ou 3 pas suffiront aller pas vous péter un os sur un tapis mal aplati) pour comprendre le point de vue du réalisateur ou du moins ne pas y voir une apologie gratuite de la violence. Car dans ce film (SPOILER DE HAUT NIVEAU) tout les "gentils" meurent, et les "méchants" survivent, sans absolument aucune raison explicite, et ceux sur un dernier regard caméra du tortionnaire. C'est très frustrant, on a pas vraiment l'habitude de voir ça, et on pourrait simplement croire à un film ultra-violent.
Mais ce film ne fait pas que dénoncer la violence, ce serait trop simple, on peut y voir une certaine critique de la société actuelle, aseptisée et codifiée. Le réalisateur ne se centre pas sur ses personnages, mais sur la violence qu'ils exercent et la violence qu'ils subissent. Cette dernière peut surgir de n'importe où, elle touche tous les milieux sociaux et n'a pas besoin d'argument ou de raison pour être exécutée.
Et quoi de mieux que de dénoncer une société codifiée en cassant les codes habituels des films ? Car oui (je l'ai déjà dit plus haut) le réalisateur s'amuse avec nous, change nos habitudes et donc nous provoque, nous frustre. On comprend cela lorsque l'un des 2 tortionnaires se retourne face caméra et nous demande de son air arrogant qui le spectateur va-t-il soutenir ? Il nous donne lui-même la réponse en annonçant que nous n'avons d'autre choix que d'avoir de la compassion pour les gentils de l'histoire. Le sentiment d'empathie envers les personnages est rapidement adopté par le spectateur, il vous tiendra tout le long du film et vous fera vivre les mêmes horreurs et injustices que cette famille endure.
Car oui, vous, qui lisez cette critique (et bravo si vous êtes arrivés jusqu'ici), ce film va vous torturer moralement: il fera naître en vous le sentiment d'espoir, l'illusion d'une fin heureuse ou d'un retournement de situation. Mais il n'en est rien. Michael Haneke nous gifle la cervelle de sa réalisation magistrale.A aucun moment la petite famille ne va prendre le dessus de la situation elle va subir les jeux mortels de ses ravisseurs sans pouvoir opposer de résistance, et si jamais quelqu'un se rebelle en vue d'un retournement de situation, le réalisateur vous chiera à la gueule en remontant littéralement le temps pour prévenir un tel acte...
Ce film contient selon moi l'un des plan-séquences les plus ouffissime du cinoch.
Voilà c'est tout, maintenant si jamais tu ne me crois pas et que t'as envie de voir par toi-même, c'est toi qui l'auras cherché et même bien cherché.
