Avec Gangs of New York, Scorsese revient aux moments fondateurs de sa ville fétiche, et mélange avec brio des intrigues individuelles avec celles de la ville et celles de la nation. Porté par un souffle épique indéniable, le film est une vraie réussite formelle, époustouflant dans sa recherche des costumes et des lieux, réussissant à nous plonger avec authenticité dans les différentes quartiers et visages de New York. Scorsese s’attarde avec un frénésie quasi-documentaire sur tous les éléments qui composent le paysage de l’époque, les factions, les communautés, les gangs et les politiciens. C’est d’ailleurs réellement la partie la plus réussi du film : son environnement, dans ses infimes détails.
La faiblesse du film vient davantage de la construction de son personnage principal, par ailleurs très bien interprété par un DiCaprio qui signe ici un retour en grâce. Amsterdam est un peu brouillon, est ses motivations, pourtant clairement énoncées, ne sont nourries que par de multiples circonvolutions d’un personnage qui hésite. Son antagoniste est au contraire très bien construit et développé, incarné par un Daniel Day-Lewis grandiose. Ses motivations à lui, son code d’honneur, et son attitude certes un peu grotesque mais crédible dans l’ensemble, font de lui le personnage le plus intéressant du film, celui d’une Amérique qui appartient déjà au passé et refuse le changement des temps. Le film est également marqué par une forte imagerie religieuse, chose qui ‘a d’autant plus marqué depuis que j’ai vu Silence, également de Scorsese. On peut également regretter que contrairement aux autres grands films de Scorsese, que ce soit Les Affranchis, ou Casino, Gangs of New York est dépourvu d’humour ou d’autodérision. Le film se veut sérieux jusqu’au bout, quitte à nous user par cette tension permanente.
Cette tension se ressent également dans la musique — et notamment les tambours et les fifres — omniprésente, qui mélange musique intégrée au décors par ses nombreux musiciens et chanteurs/chanteuses, et un score résolument plus rock qui vient s’y superposer, augmentant certes encore la dimension épique, mais avec parfois eut peu de maladresse. Les acteurs, tous impeccables, jouent également toujours sur le fil du rasoir, avec une gravité constante et parfois un peu lourde.
Scorsese met en lumière une période également méconnue, celle de la conscription liée à la guerre civile, à la lutte des classes au sein d’une ville pourtant porteuse de promesses et à la maltraitante et au racisme auxquels sont confrontés les Noirs - le Nord n’étant ici pas tellement plus généreux avec eux que le Sud. Les émeutes de New York, quoi que quelque peu romancées, sont un épisode fort intéressant, qui illustre que si nous suivons l’histoire du quartiers de Five Points, New York s’étend sur une zone beaucoup plus vaste. Le mélange de ses différents niveaux de lecture, en y a joutant également la corruption locale et la politique vis-à-vis des immigrants - conscrits immédiatement ou vus uniquement comme des électeurs facilement manipulables.
Gangs of New Work est donc plus fascinant pour le monde qu’il décrit que pour son intrigue principale. Et si ce constat est un peu dommage, et que ce n’est pas le meilleur film de Scorsese, il n’est reste pas moins un très bon film.