Être invité ne signifie pas forcément être le bienvenu...

SPOILER ALERT


Jump-scares pas gratuits, ambiance pesante, intrigue ficelée méticuleusement... Pour une première dans le film d'horreur, Jordan Peele m'a comblé. Largement. Il y a une éternité que je n'étais pas sorti d'une salle de cinéma à la fin d'un film d'horreur en ayant vraiment eu l'impression d'en avoir eu pour mon argent.


Pitch classique que ce film : Chris, un Afro-Américain (Daniel Kaluuya, pas déplaisant à revoir depuis son petit rôle dans l'excellente série Skins) qui file le parfait amour avec sa chérie caucasienne s'apprête, dans un lieu certes magnifique de décors mais hélas un poil coupé du monde, à rencontrer ses futurs beaux parents. De prime abord chaleureux et accueillants, les darons, tout comme les deux domestiques noirs de la maison, commencent à sembler trop avenants pour être innocents...


La maestria de Peele pour son long métrage réside dans une ficelle essentielle du thriller : savoir instaurer une tension. Comme un numéro d'équilibriste de plus d'une heure, tout est ici au service pour donner le malaise au spectateur. Peu importe notre propre origine ethnique, on n'aura aucune difficulté à se sentir mal pour ce pauvre Chris. Que penser à sa place, devant ce déballage de boniments prônant la mixité socio-raciale ? Comment percevoir ces sourires en coins de la part des parents (surtout de la mère, diabolique Catherine Keener) ? Pourquoi le futur beau frère semble si menaçant, même en étant sous le coup de l'alcool ? Et à quoi rime cette apparente transe de la part des domestiques face aux évènements en cours ?


Passé une séance d'hypnose bien douteuse, un flash photographique malheureusement trop révélateur, une partie de bingo à faire lever un sourcil en accent circonflexe et un carton de souvenirs à l'eau de pot aux roses, l'angoisse qu'un danger plane sur le héros se changera en adrénaline par le souhait qu'il se tire indemne de ce piège ignoble.


Certains y verront une satire politique de l'actualité.


(La façon de Chris de "cueillir" du coton pour se libérer de ses geôliers, comme ses supposés ancêtres lors de la traite des Noirs, ou même le fait que lors de la réception familiale il soit habillé de bleu devant des dizaines d'invités tout de noir vêtu avec quelques nuances de rouge dans leurs attributs)


Peele ne prend pas pour autant son film comme un prétexte à une prise de position dans cette voie. Outre l'histoire qui tient en haleine, le charme (morbide) du film tient également à la mise en scène (la séance d'hypnose résume bien des choses à ce sujet), à la musique (cordes stridentes à chaque moment stressant,


mention spéciale au jardinier apparaissant tout à coup et semblant foncer vers Chris sorti fumer en pleine nuit


), et aux traitement des personnages, notamment celui de la petite amie, impeccable Allison Williams.


En apparence mignonne, son double jeu est pourtant révélé tôt dans le film par un refus de laisser son chéri se plier à un contrôle d'identité, mais surtout par une absence totale d'empathie à l'égard de ce malheureux cerf écrasé ; comportement antithèse de celui de Chris qui cherchera à savoir ce qu'est devenu l'animal... Traumatisé par la mort de sa mère, décédé dans des conditions trop semblables.
Autre détail, une fois son masque tombé, elle attache ses cheveux, donnant l'impression au spectateur que c'est une tout autre personne qui est présente devant lui ; impression allant de paire avec son comportement. Bien vu, Peele ! La façon qu'elle a de séparer ses céréales au chocolat de son verre de lait traduit superbement la réalité des choses : sa volonté de ne pas mêler le noir au blanc...


Passé une explication légèrement science-fictive et un Deus Ex Machina pouvant paraître forcé, le spectateur que je suis en a vite oublié ces tares mineures. Même la fin qui pourrait sembler déroger aux règles du genre m'a contenté. C'est pas tous les jours qu'un film d'horreur arrive à se conclure en évitant le cliffhanger forcé à la dernière minute. Bon point.


A voir !

ZolivAnyOne
8
Écrit par

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le 15 mai 2017

Critique lue 426 fois

Zoliv AnyOne

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