Quelques éléments clés du film pourraient vous être révélés par cette critique.


Get Out est le premier long-métrage de celui qu'on considéra en 2017 comme la révélation de l'année : Jordan Peele, tout jeune réalisateur à la personnalité marquée et aux emprunts multiples. Débarqué en trombe, il a fait resurgir dès sa première oeuvre le plaisir qu'on pouvait ressentir à voir de vieilles séries b horrifiques et paranoïaques en construisant un genre de mélange entre l'Auberge Rouge et Body Snatchers.


Très réussi, ce coup d'essai est un coup de maître : inspiré des plus grands, il digère ses références cinématographiques en passant au stade de la postérité, nous livrant des compositions visuellement magnifiques et très inspirées. Certes classiques (on les dirait même académiques), l'agencement de ses plans vaut principalement pour sa symétrie millimétrée, qui fera mettre sur pose pour contempler quelques plans d'ouverture en intérieur sur le salon, où quelques personnages discutent sur des chaises entourés d'une magnifique décoration.


Jamais trop contemplatif, Peele dose avec habileté les éléments géniaux qu'il place dans son film, du développement de ses thématiques sociales à celui de ses personnages ambiguës, de ses séquences de tension mouvementées à celles plus posées, seulement bâties sur des comportements inhabituels et curieusement mécaniques. Parce qu'il y a de cela dans le cinéma du réalisateur : déconstruire la beauté stéréotypée de l'homme pour la montrer comme vicieuse, fourbe, déshumanisée, ou simplement dénuée de toute vivacité.


Cela, il l'amène avec les parents de la compagne du héros (campé par le dynamique et charismatique Daniel Kaluuya), représentation, pour Peele, du propos de son oeuvre (il est d'ailleurs seul scénariste de son long-métrage) qui critique ouvertement le conformisme actuel de l'anti-conformisme : de ces anti-racistes jouant le jeu des racistes, il démontre que c'est en idéalisant des minorités, en les pointant du doigt pour des exploits physiques, par exemple, que s'instaure une relation malsaine et nauséabonde d'adoration de personnes normales auxquels on rappelle dès lors leur condition ethnique.


Il pousse le vice plus loin en mêlant l'idée à un complot farfelu de contrôle des corps que n'auraient pas renié ces films anti-communistes des années 60, plongeant alors le spectateur dans une course à la montre effrénée et tendue qui gère sa tension avec une maestria rare pour un premier film, ne baissant ni en intérêt ni en intensité, continuant d'être toujours efficace et réfléchi, si ce n'est seulement sur sa fin grand guignolesque (et forcée pour qu'elle se conclue bien), plus proche de la générosité viscérale d'un Tarantino que du glauque et du malsain de David Cronenberg.


Là où Peele démontre toute son intelligence, c'est dans la manière qu'il a d'aborder la montée en apothéose de l'horreur : construit sur un principe de situation plutôt commun, il joue avec les certitudes du spectateur pour les faire tomber une par une et partir dans un délire de science-fiction toujours crédible et pertinent, rapprochant cette famille des nazis face auxquels le grand-père avait pu courir. Serpent qui se mord la queue, ces amoureux de l'Homme africain deviennent au final encore plus nocifs que ceux qu'ils rejettent, les racistes.


De cette critique de la bienséance/bienpensance des milieux aisés, on peut aussi remarquer le jeu de dupes mené par ces racistes de l'ombre, équivalent de scientifiques nazis qui considèrent l'homme noir comme un animal de compétition loin des capacités réflexives géniales du blanc. Si l'habit ne fait pas le moine, Peele tacle doublement mieux que la plupart des films engagés actuels en plaçant sa critique en filigrane du divertissement de qualité qu'il propose : la sincérité des idéaux prévaut sur leur vertu, et les adoucir ou les rendre tolérables par le plus grand nombre ne fait qu'aliéner et mener au mensonge, à la trahison.


A l'image de ce twist relationnel un peu prévisible mais marquant (la scène de révélation, en plus d'être très bien filmée, est aussi très bien interprétée), Get Out se pose comme un film inoubliable dans le sens où il réunit enfin une réflexion neuve, intéressante et bien traitée au jusqu'au-boutisme de son côté divertissant, honorable dans l'un comme dans l'autre cas. Il retient le spectateur du début à la fin, avec honnêteté et talent.


Un modèle de thriller psychologique grand public !

FloBerne

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4

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