Depuis quelques années, et de plus en plus ces derniers mois, on observe un nouveau phénomène dans le cinéma hollywoodien qui consiste à reproduire en prises de vues réelles d’anciens films d’animation. C’est surtout le cas chez Disney (Le livre de la jungle, La Belle et la Bête, Alice, 101 dalmatiens, Cendrillon,…) mais également ailleurs : Dragon Ball Z, …
Pourquoi un tel phénomène, outre l’argument commercial et les facilités à la fois concernant l’absence de réelle création, mais aussi celle de séduire un public déjà conquis par la version d’origine, c’est difficile à dire. Peut-être qu’Hollywood pense que l’époque actuelle ne veut plus regarder le monde qu’en 3 dimensions. Je n’en sais rien.


Donc ici il s’agit de l’adaptation du manga de Masamune Shirow et du film d’animation culte de Mamoru Oshii.
Cette adaptation me semble réussie pour plusieurs raisons.
Déjà le film assume son statut de film hollywoodien à priori grand public, et du coup simplifie au maximum l’intrigue méandreuse du film de Oshii et son scénario d’une grande complexité.
Cette épure narrative se retrouve dans la forme même du film. Le polar cyberpunk devient un film d’anticipation qui mise surtout sur l’action. Le film va très vite, il est pris dans un mouvement continuel, les scènes d’action s’enchainent avec une grande lisibilité, gracieuses, portées par une mise en scène élégante et bien aidées par une 3D pour une fois réellement travaillée et intelligente.
On se situe quelque part entre le film SF hollywoodien puisant du côté de K. Dick (outre le sujet du film : les scènes de rues, les hologrammes, rappellent beaucoup Blade Runner) et le polar hongkongais pour les scènes d’actions (Hark, To).
Mais cette épure scénaristique et formelle n’enlève toutefois pas l’essence de l’œuvre originale, ses questionnements sur le futur, sur la virtualité et sur le lien entre l’homme et la machine.
Tout ça est là en sous-texte, même s’il on ne retrouve pas, ou moins, la mélancolie très présente chez Oshii.


Au-delà de ça je trouve le film passionnant sur le plan théorique et sur la présence de Scarlett Johansson.
J’avais déjà abordé ce point il y a quelques temps, mais ça devient flagrant avec ce film-ci.
Quel est le but de l’utilisation de Scarlett Johansson depuis quelques années ? Pourquoi cette présence, avant tout théorique, dans tous ces films ?
En effet je trouve vraiment intéressant de voir ce qu’incarne Scarlett depuis Lost in Translation. Match Point était le point d’orgue de sa filmographie du point de vue de la question érotique (son corps, son être, sa parole). L’érotisme, son pouvoir féminin et sa place de femme dans le monde respiraient dans son entièreté. Depuis, elle semble la plupart du temps utilisée pour 2 choses qui se rejoignent. Un ghost (un esprit, une voix,…) dans un corps soit absent (Her), soit symbolisé par un vide total (la coquille Tokyo et l’hôtel dans lequel elle séjourne) soit dans un corps qui est concrètement le sien mais qui n’est pas celui du personnage. Un corps rempli de supers pouvoirs (la veuve noire chez Marvel ou Lucy de Besson) ou un corps emprunté (Under the skin et donc Ghost in the Shell).
Ghost in the Shell est la synthèse de cette conception théorique. Ici son ghost habite une coquille, un corps fabriqué, en plastique mais qui se trouve être réellement le sien simplement recouvert d’une couche de latex ou d’une matière numérique.
Je pense que ça traduit 2 choses. D’une part que Scarlett Johansson représente dans l’imaginaire actuel une sorte de fantasme érotique qui serait à la fois engendré par un corps parfait presque inhumain, et par un esprit de femme forte et vénéneuse. On est hypnotisé sexuellement (les personnages et le spectateur) à la fois par sa voix et son aura (Her, et même son incarnation de Kaa dans le Livre de la Jungle) et par son corps (Under the skin). Son être est donc continuellement scindé, elle ne forme plus le tout qu’elle incarnait dans Match Point (le corps et l’esprit).
D’autre part, et ça rejoint bien évidement le propos du film, sa présence pose la question de vivre dans un corps qui nous appartient de moins en moins. Je pense qu’elle incarne à merveille ce lost in translation de l’époque moderne, où l’on erre dans un monde de plus en plus métallique, robotique, numérique, où le corps disparaît peu à peu derrière des écrans, des fluxs, du virtuel, ….vers une immatérialité totale. Des fantômes dans une coquille.

Teklow13
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le 30 mars 2017

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