Quand on va voir un film qui ne s'est pas monté sur un scénario original, soit 99,9% des films hollywoodiens actuels, et qu'on connait le matériau original, qu'il soit un roman, une bande-dessinée, ou un précédent film, juger le nouveau venu indépendamment n'est pas chose aisée. Lorsque le matériau original lui est supérieur, délégitimant ainsi l'entreprise dans son entièreté, c'est presque mission impossible. Bien qu'il puisse être considéré comme un très vague remake du film éponyme d'Oshii Mamoru sorti en 1995, le film de Rupert Sanders n'est pas que ça : avant lui, il y a eu vingt ans d'une franchise médiatique de poids comprenant quatre films d'animation, trois séries d'animation, et plusieurs jeux vidéo – donc certains pornographiques, on imagine. Et pas exactement des moindres : si l'auteur de ces lignes n'a pas joué aux jeux ni aimé le verbeux Ghost in the Shell 2: Innocence sorti en 2003, il peut attester du brillant avant-gardisme du manga, de la virtuosité cinématographique du film de 95, et de l'exceptionnelle qualité de la série Stand Alone Complex diffusée au Japon entre 2002 et 2006. Cela pris en compte, ainsi que la propension d'Hollywood à édulcorer tout ce qui lui passe sous la main et la qualité moyenne assez médiocre des blockbusters actuels, il n'était clairement pas conseillé d'attendre beaucoup de cette première et pétaradante version live de GITS. Une interview du réalisateur anglais où il se targuait d'avoir rendu l'histoire accessible (sic !) l'a confirmé quelques semaines avant la sortie du film, s'il était encore nécessaire de s'en convaincre. Ainsi n'en avons-nous rien attendu, ou pas grand-chose… et surprise : cela n'a malgré tout pas suffi. Allez, peut-être de justesse, puisque le film a la moyenne. Mais c'est une moyenne bien pâlichonne, et essentiellement liée à la forme plutôt qu'au fond. Pour résumer, face au film de Rupert Sanders, sorte de GITS pour les nuls, nous avons vu la carapace du titre ("shell"), mais pas vraiment d'âme ("ghost").


Les défenseurs du film prennent comme argument la moyenne critique de Rotten Tomatoes, bien trop clémente à notre goût. Seule explication valable : la majeure partie des critiques pros, pas forcément des nerds passionnés par le Japon ni spécialisés dans l'animation, n'ont pas vu le film d'Oshii, encore moins lu le manga, et encore moins maté le séries.


"No culture" plutôt que "no future" : le vrai problème derrière une polémique débile


Si la reconstitution du décor urbain du film d'Oshii est d'une minutie et d'une fidélité admirables, GITS 2017 n'en est pas moins culturellement bâtard. D'un côté, on a des geisha-robots, des panneaux de signalisation en kanjis, et un Aramaki débitant carrément ses lignes en japonais (nous reviendrons dessus) ; de l'autre, le casting est en majorité blanc, la langue par défaut semble être l'anglais, et bon nombre de décors rappellent carrément plus Hong Kong que Tokyo (et là, on pense au considérable apport de capitaux chinois au budget…). D'aucuns argueront que l'action se situe dans le monde globalisé cauchemardesque à l'avènement duquel travaille l'hyperclasse néolibérale depuis des décennies. Un monde abâtardi où primerait l'anglais et où se mélangeraient toutes les communautés, réunies autour du progrès (rires). Ça pourrait marcher. Sauf qu'à aucun moment le film n'assume cela – à moins que nous ayons loupé quelque chose. GITS est censé se passer au Japon. Point. La version hollywoodienne ne situe son action nulle part. Plus simple. Et aussi, moins intéressant.


Du coup, cela nous place en porte-à-faux vis-à-vis de la polémique du "whitewashing". Soyons clairs : cette dernière est absolument bidon, comme le sont la plupart des "polémiques" dans nos sociétés modernes obsédées par le mélodrame et phagocytées par les revendications identitaires hystériques. Nous sommes dans une société globalisée où toutes les races se côtoient, un cyborg peut avoir l'apparence caucasienne sans que cela ne soit surréaliste (et même si l'on sait pertinemment les raisons réelles d'un tel choix, celui de caster une star, donc une actrice blanche). Par ailleurs, dans le rôle un peu ingrat du Major version hollywoodienne, réduite à une sociopathe asexuée pleine de bonnes intentions, Scarlett Johansson, ScarJo, fait un job tout à fait décent, dans la continuité de ce qu'elle a fait sur Her, Under The Skin, et dans une bieeeeen moindre mesure, le ridicule Lucy. Sa performance ne restera pas dans les mémoires, mais confirme son efficacité dans les rôles d'action. Notre seule grief à l'égard de ce choix de casting tient à la silhouette de l'actrice, qui ne correspond pas exactement aux canons actuels : en étant conscient que son corps a été entièrement conçu par une bande de nerds géniaux, qui ont donc dû tout en définir, de la taille de la poitrine à la largeur des hanches, la logique veut qu'ils lui auraient dessiné de plus longues jambes (alors que ScarJo est courte sur pattes), par exemple. Mais c'est chipoter.


Pour revenir à la polémique du white-washing, on ne peut cependant nier le problème de cohérence que pose forcément le casting d'un film culturellement bâtard. Si l'histoire de GITS avait été entièrement transposée aux USA, la cité futuriste nipponne du manga, New Port City, pouvant aisément être remplacée par un équivalent américain (en passant du Kansai disparu sous les eaux à la Californie anéantie par un tremblement de terre, par exemple !), nous n'y aurions vu aucun problème : bien que GITS soit imprégnée de philosophie orientale (voir plus bas), il était possible de la traduire sans trop de pertes car l'Asie et l'Occident, tous différents qu'ils soient, partagent nombre de dilemmes de la modernité. Les gens auraient été intégralement anglophones (contrairement à ce qu'il se passe ici, avec l'accident industriel qu'est le personnage d'Aramaki, voir plus bas), le casting aux 3/4 blanc pour respecter les proportions démographiques des USA d'aujourd'hui, et le feeling amerloque, mais on aurait pu n'y voir que du feu. Le problème est que le studio n'en a pas eu les couilles… et l'on obtient au final un monde assis le cul entre deux énormes chaises que sont d'un côté les impératifs du film de livrer un spectacle suffisamment familier à un public américain traité comme une bande de demeurés, et de l'autre le besoin de conserver certains éléments japonais de la franchise pour en faire une plus-value marketing – teinté peut-être d'un semblant de respect envers le pays d'origine de la franchise. Le cocktail instable qui en résulte donnera quelques grotesqueries mémorables, comme lorsque ScarJo, dont le personnage a été rebaptisé « Major » (comme ça, plus de problème), apprend que celle qu'elle fut était… une Japonaise prénommée Motoko. Mais à bien prononcer à l'américaine, c'est-à-dire "Mowtowkow".


Derrière l'abâtardissement, l'américanisation


Le white-washing, c'est bien, mais quid de l'"américanisation" du sujet même de Ghost in the Shell ? La saga est profondément marqué par un agrégat de philosophies extrême-orientales, que ce soit dans le manga ou encore davantage dans les films d'Oshii (jusqu'à l'overdose d'Innocence). Le script très médiocre de GITS 2017, coécrit par un bleu-bite et le gars à qui l'on doit Scream 3 et les derniers Transformers (sic), a jeté tout ce bazar imbitable au feu et l'a remplacé par le gros cliché amerloque de l'ode à l'accomplissement individuel (yeeeaaaaah). Toute proportion gardée, cela nous rappelle un peu ce qu'Hollywood a fait de la fin de Je suis une légende, de Richard Matheson : une édulcoration petite bite de gens qui n'ont rien compris au film. Par souci de transparence, l'auteur de ces lignes précise que le GITS d'Oshii fut un des premiers films à vraiment le stimuler intellectuellement, alors qu'il était adolescent, avec le Lost Highway de Lynch, sorti à peu près à la même époque. Pourquoi ? Parce que la vision occidentale du monde était son seul horizon puisque le Japon lui était encore inconnu, et que la proposition presque anti-individualiste du film, avec sa conscience collective, lui était parfaitement étrangère. Tout Ghost in the Shell traite du rapport du corps à l'âme, et du besoin de "shell" qu'a le "ghost" pour se perpétuer. Allez, ne soyons pas pédants : pas besoin d'avoir lu cent ouvrages de philosophie orientale pour être sensible à ces sujets. Dans son livre Le Vaisseau des voyageurs, le très américain Robert Charles Wilson a brillamment abordé, à travers l'angle extraterrestre, la question du lien entre la personnalité d'un individu, ce qui fait de lui ce qu'il est, et le corps dans lequel il est enfermé, pour le meilleur et pour le pire. À la fin du film de 1995, le major Kusanagi s'est intégrée au "net vaste et infini". Mais cela était-il incompréhensible pour un vulgaire "gaijin" ? Cette notion d'intégration de l'individu à une collectivité transcendante n'est pas étrangère au certaines idéologies des Lumières. Donc pas d'excuse : les petits Blancs derrière le scénario de GITS 2017 auraient pu se sortir les doigts, mettre la main à la pâte, et pondre quelque chose de plus stimulant intellectuellement qu'un message que l'on peut résumer à… "Just do it". En d'autres termes, si vous voulez un blockbuster futuriste portant le même message sans ennuyer son monde, rematez plutôt The Matrix… les Wachowskis, au moins, assumaient pleinement l'individualisme de leur propos avec leur "Élu" !


Le problème est que le film se plante même dans sa logique individualiste en UNE réplique, répétée deux fois pour bien que ça rentre : "ce ne sont pas nos souvenirs qui nous définissent, mais nos actions." Cela colle très étrangement, pour rester poli, avec la poursuite de ses racines qui anime l'héroïne tout au long du film : si le passé importe peu, pourquoi se soucier de savoir qui est sa mère, d'où elle vient, et quel est son prénom ? Ensuite, cette réplique est d'une crétinerie sans nom. Ce ne sont pas nos souvenirs qui nous définissent, mais nos actions ? Premièrement, sans mémoire, impossible de bâtir une identité ; deuxièmement, nos actions bénéficient des leçons que nous tirons de notre expérience ; troisièmement, allez dire ça aux victimes d'Alzheimer, bande de nazes. Si cette réplique d'un très mauvais goût illustre quelque chose, c'est la superficialité réflexive d'un scénario écrit par des gros bourrins californiens avant tout amateurs de formules qui sonnent bien. L'échec intellectuel est par instant total et sans rémission.


Autant dire, donc, que GITS 2017 ne fascine pas des masses. Rappelons d'abord que le personnage de Motoko Kusanagi n'est PAS une intelligence artificielle ; amateurs de ce thème fascinant s'il en est, n'allez pas voir le film en attendant un croisement d'Ex Machina et de GITS est également très pauvre dans son développement de la science derrière tout le bazar. Oshii Mamoru, dans le scénario du film de 95, ne se répandait déjà pas des masses sur la "cybérisation" de la Motoko originale, initialement une femme dont seul le cerveau a survécu à un grave accident ; les questions de savoir dans quelle mesure son cerveau avait été transformé, comment, etc., n'avaient vraiment pas de réponse. Mais au moins, on savait que c'était tordu. Ici, on a juste l'impression que l'héroïne est un cerveau humain dans un corps synthétique, plus ou moins à la Robocop.


Par ailleurs, vous ne trouverez dans le film de 2017 quasiment rien de la dimension politique de GITS, passionnante dans sa peinture d'une société corporatiste où l'État, bien que puissant, est parfois coiffé au poteau par des multinationales surarmées (un classique, certes), et où les jeux de pouvoir sont légion.


Sois jolie et tais-toi


S'il y a une chose qu'on ne peut enlever à GITS 2017, c'est qu'il est très joli à voir. On pouvait au moins attendre ça de Rupert Sanders, talentueux réalisateur de pubs et de clips (comme le surpuissant The Space Inbetween, de How To Destroy Angels), dont le précédent et premier long-métrage, Blanche-Neige et le Chasseur, n'avait de réussi que son esthétique (que certains de ses détracteurs ont reconsidérée positivement à l'aune du hideux Le Chasseur et la Reine des glaces…). Ce qu'il a fait sur GITS rappelle un peu le boulot de Joseph Kosinski (Tron Legacy, Oblivion), en moins cohérent graphiquement, mais c'est propre, et c'est pro. Le problème, c'est qu'à moins de tourner une pub pour BMW, propre et pro, ça ne suffit pas. Pour filmer à sa juste valeur la scène cultissime où le major s'arrache littéralement le bras en tirant la carapace du spidertank, il fallait quelque chose que le film de Sanders n'a pas : du caractère. Le genre de caractère suffisamment prononcé pour survivre au rouleau compresseur d'une grosse production capable d'écraser les velléités créatrices d'un réalisateur initialement plein de bonne volonté. GITS 2017 n'a pas de caractère, donc pas de cojones, par conséquent, on n'y ressent pas grand-chose de fameux, alors que la sensation était viscérale, dans le film d'Oshii. Quand bien même on serait stimulé intellectuellement – ce qui n'est pas le cas –, il manquerait toujours le malaise trouble mais prégnant que nous inspirait cette alliance contrenature de l'âme et de la machine. C'est pourtant tout le putain d'intérêt du thème du cyborg, non ? Exit la fascination de l'IA, place à une autre fascination, tout aussi angoissée : celle du transhumanisme, ou la perspective de perdre une partie de soi-même, voire notre humanité sans le réaliser une fois atteint un niveau technologique suffisant. Dans GITS 2017, rien à cirer. Le spectateur est là en touriste, comme les scénaristes. Même dans le mauvais remake de Robocop de 2014, son réalisateur José Padilha avait réussi à sauver une scène à l'effet viscéral, lorsque Murphy réalise que son corps a été en majeure partie remplacé par du mécanique. Ici, on n'a même pas ça. On pourra répondre que contrairement à Murphy, le major, dans GITS, est habituée à ce corps artificiel, mais il y avait une multitude d'autres façons de mettre en scène figurément l'enfer insensible de sa condition.


En terme de pudibonderie, on ne peut pas dire que le blockbuster hollywoodien des années 2000, à l'ère Marvel, s'est arrangé. Dans le cadre de GITS 2017, nous n'avons pas été étonnés d'apprendre que le studio avait opté pour un PG-13, histoire d'attirer en masse le public adolescent. Autant dire : pas de sang, ni de lolos. Alors, bien que nous aimions ça, le sang et les lolos, il faudrait atteindre un inquiétant niveau de misère sexuelle pour en avoir à tout prix besoin dans un thriller d'action. Les molosses que débaroule l'héroïne saignent une sorte de poudre grise parfaitement oubliable, et sa fameuse combinaison, bien qu'elle moule avec une admirable minutie les fesses généreuses de la Scarlett, sucre les tétons si mémorables du film d'Oshii : soit, l'important est, a priori, ailleurs. Le problème est… qu'il n'est pas ENTIÈREMENT ailleurs. GITS ne parle pas de robots, mais de cyborgs – nous y revenons. Il traite de la fusion du vivant et du mécanique. Autant dire que dans ce genre de monde, l'exploration des corps, liée à la fascination que suscite le transhumanisme, peut très bien appeler à une nudité ou une violence graphique qui sont tout, sauf gratuites, comme cette scène d'Under The Skin où cette dernière, non pas un cyborg mais un alien, se déshabille entièrement pour s'observer dans le miroir. Las !, le film s'autocensurera jusqu'au bout, dans tous les domaines, dans un médiocre esprit mercantile. Le studio a même sucré une scène, pourtant présente dans la bande-annonce, où le Major embrasse une femme pour voir ce que ça fait, sous prétexte que ça ne "servait à rien" – c'est cela, oui. Il y avait tant à faire ! Tant déjà fait, dans le manga, les films, et les séries animées. On aurait adoré voir, par exemple, une scène juxtaposant un corps non-augmenté et un synthétique dans le cadre d'un affrontement, où un humain à 100% aurait pissé le sang et bien senti le plomb passer tandis l'héroïne, parfaitement zen, lui aurait presque envié la puissance de sa sensation. « Sensation », un concept absent du film.


Pas de caractère : pas de characters


GITS 2017 manque donc de vie, ce qui est plutôt ironique, pour un film traitant de l'âme dans la machine… et parmi les victimes de ce traitement par-dessus la jambe, on trouve forcément les personnages, plombés par une caractérisation lamentable. En dehors de Batou, coéquipier massif du Major bénéficiant d'un minimum d'attention à défaut d'un véritable développement, et porté par la révélation du film, Pilou Asbaek, le reste de l'équipe de la section 9 tient sur un ticket de cinéma, la palme revenant sans doute au précité Togusa, personnage intéressant en sa qualité de seul humain non-amélioré de l'équipe, ici réduit à deux blagues et campé par le très chinois Chin Han. La section 9 n'a aucune existence propre, remplacée par un pseudo-buddy movie que bricolent faute de mieux le Major et Batou. Et ce n'est certainement pas son leader, Aramaki, qui y change quoi que ce soit : d'Aramaki, tacticien de génie et vieux singe encore plein de ressources, les scénaristes n'ont gardé qu'une figure éculée de supérieur droit dans ses bottes, interprété par un Kitano Takeshi autant à sa place dans ce rôle que Cyril Hanouna le serait dans le rôle de James Bond – Kitano est lui aussi un vieux singe n'ayant pas besoin de cours de grimaces, mais ce n'est pas comme si son visage mono-expressif transpirait la duplicité et la ruse. Le fait que l'acteur ne parle qu'en japonais dans le film, sorte de joker empoisonné pour tout spectateur qui n'aime pas qu'on se foute de sa gueule, ruine toute chance d'établir une connexion, sur le plan dramatique, entre son personnage et le reste de l'équipe, anglophone : ils auraient tout aussi bien pu tourner leurs scènes séparément. D'ailleurs, pourquoi ce choix ? Les défenseurs du film répondront que c'est normal : le studio ayant "déjaponisé" le monde de GITS mais pas à 100%, ses personnages vivent dans un monde globalisé, et l'on imagine sans mal l'existence, dans une société si avancée technologiquement, d'un traducteur interne en temps réel permettant à chacun de parler sa langue (paie ton "vivre-ensemble" si ça se produisait en vrai, au passage). Tout cela ne manque pas de pertinence. Ce à quoi nous répondrons par notre ressenti arbitraire : si Kitano a dit ses répliques en japonais, c'est parce que c'est une quiche totale en anglais (avéré), et si le studio a agréé, c'est parce qu'il s'est dit que ça ferait exotique. C'est tout. Pas bien plus glorieux que Mémoires d'une Geisha. Traitez-nous de cyniques. Au final, cela ne change rien à l'absence absolue d'alchimie entre l'acteur japonais et ScarJo. Et l'on fait sans mal le lien entre cette dichotomie foireuse et la bâtardise culturelle précitée du film.


Les personnages secondaires de GITS ont ainsi été sacrifiés sur l'autel de l'économie narrative et du culte ScarJo. Pas la première fois que ça arrive. En dehors du nécessaire Batou, que les scénaristes ne pouvaient se permettre de TROP négliger sans se prendre une levée de boucliers en retour, seuls deux personnages sont un tant soi peu brossés. Le premier est le "docteur Ouelet" (qu'est-ce que c'est que ce putain de nom ?), joué par une Juliette Binoche qui prend plaisir, ces dernières années, à apparaître dans des films américains sans qu'on sache vraiment pourquoi – elle nous avait déjà fait le coup dans Godzilla, avec le même effet. Mais le brossage ne peut rien contre la carie qu'a généré Hollywood sur la mythologie GITS en la gavant de sucre-glace : Ouelet n'est qu'un cliché ambulant de scientifique luttant entre les exigences cyniques de ses supérieurs et son humanité, comme on en a déjà vu 40 000 au cinéma (y compris dans Robocop). Le second est Kuze, le premier antagoniste du film. En fait, la performance de Michael Pitt est peut-être tout ce qui convainc à 100%, dans GITS 2017, en plus, bien sûr, des effets spéciaux qui lui donnent la gueule qu'il a. On croit au fait qu'il n'est plus qu'une moitié d'individu, on le trouve parfaitement inquiétant lorsque l'héroïne voit en lui un ennemi, puis soudain assez touchant lorsqu'on apprend son passé et la pauvre créature qu'il est réellement. Et n'oublions pas que la voix de l'acteur est bien la sienne, unfiltered ou à peine, et non celle d'un synthétiseur vocal, ce qui est quand même sacrément impressionnant. Sur le fond, on regrette un peu que le personnage ne soit pas le marionnettiste de l'animé, qu'une fois innocenté, il cède la place à un méchant complètement pourri (le grand méchant PDG de la corporation !!!), et que le film l'utilise pour dénaturer le propos du matériau original, MAIS nous parlons ici du personnage en tant que tel, et en tant que tel, Kuze a de la gueule. Au point de faire tâche avec le reste. En même temps, Michael Pitt, quoi.


Oui, c'est divertissant… enfin, un peu


On a mentionné le méchant complètement pourri, le vrai, celui en osmose intégrale avec le manque d'ambition de l'intrigue. Même en tant que thriller, le GITS de Sanders n'emballera jamais des masses. Mais plus grave, il ne convainc même pas totalement sur le plan de l'action, alors que c'est le prérequis terminal pour tout thriller d'action futuriste, surtout lorsqu'il échoue sur le fond : de toutes les scènes d'action du film, les seules restant un tant soi peut en mémoire sont les deux ou trois moments entièrement tirés du film d'Oshii (la bagarre dans l'eau, l'attaque du spidertank), et encore, plus pour leur fidélité au matériau d'origine qu'autre chose. Le passage dans la boite de nuit, l'attaque de la limousine, la minute de gloire d'Arakamaki avec son vieux colt, rien de ça ne marque, la faute à un abus de ralentis ringards depuis dix ans, et à un montage archi-serré qui a ruiné l'impact de scènes pourtant pleines de potentiel, selon les témoignages de gens présents sur le tournage. On imagine sans mal le réalisateur obligé par le studio de charcuter ses jolis plans pour faire tomber la durée du film sous l'heure cinquante…


Ceci étant dit, la durée ramassée de GITS 2017, qui, nous semble-t-il, détonne un peu avec la moyenne des blockbusters actuels, n'excuse en rien son inefficacité : le film d'Oshii durait… 1h23. Ce n'est qu'une affaire de "storytelling". De gens sachant raconter une histoire… à condition, bien sûr, d'avoir des choses à raconter. Le film de Rupert Sanders, qui a le mérite de rendre encore plus admiratif du film de 1995, n'a pas grand-chose à raconter. Il ne se distingue du lot ni par sa mise en scène, ni par la qualité de ses effets spéciaux (élevée, mais c'est le moins qu'on pouvait attendre), ni par ses scènes d'action, ni par son propos : c'est un thriller futuriste parfaitement générique. À partir de là, on oublie sa profanation et lui donne de justesse la moyenne, ou bien pas. Dans un accès de tolérance pop-corneuse, nous décidons de lui pardonner. Mais qu'Hollywood se ressaisisse. Vite.

ScaarAlexander
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le 13 avr. 2017

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