Une apparition à l’écran, et tout change à tout jamais. La légende de Gilda, c’est aussi celle de Rita Hayworth, dont le visage et la silhouette demeurent à jamais associées à ce patronyme entré dans l’histoire du septième art.


Un homme désœuvré qui joue aux dés dans les bas-fonds de ce qui s’apparente à un port, des victoires suspectes, des représailles. Gilda, c’est, d’abord, la désolation, caractéristique du film noir, avant l’intervention providentielle qui va permettre de sauver la mise et d’entrevoir un avenir plus radieux. Mais, comme souvent dans ces films, la rencontre hasardeuse aux perspectives heureuses cache toujours des dangers insoupçonnés, et à l’avenir vient se mêler un passé douloureux. Grâce à Ballin Mundson, Johnny pouvait enfin avoir une occupation et arrêter les jeux improvisés dans des lieux mal famés, mais entre les deux hommes, il y a une femme. Pas n’importe laquelle, car, Gilda, la femme de Ballin Mundson, directeur d’un casino, n’est autre qu’une ancienne maîtresse de Johnny, et, entre les deux, le ton va vite monter pour créer une tension difficile à canaliser.


Si Gilda est considéré, aujourd’hui, comme un classique du film noir, il vient, avec ce triangle amoureux beaucoup lorgner vers le mélodrame. Certes, il y a ce cynisme et ce pessimisme ambiant, ce cadre, le casino, lieu de débauche et de dépenses mais, surtout, de l’illégalité, puis, il y a, également, cette vision d’un destin funeste que le spectateur imagine et dont il ne peut voir que la lente progression vers l’inévitable. Mais c’est surtout la relation entre ces trois personnages, mêlant confiance et défiance, que développe le film de Charles Vidor. Gilda évolue dans un fragile équilibre, où le cœur s’exprime souvent avant la raison, dans des échanges enflammés et passionnés, traduisant l’aspect imprévisible de la nature humaine. Cette flamme qui anime les cœurs, c’est Gilda, incarnée par la radieuse Rita Hayworth, incarnant un personnage parfois touchant, parfois irritant, mais surtout assez complexe, le film éludant volontairement un certain nombre d’éléments relatifs à son passé.


On comprend aisément ce qui fait la renommée de ce film aujourd’hui. Mais celle-ci n’est-elle pas un brin exagérée ? Car, au-delà de la beauté de l’actrice et des intentions affichées par le film, il y a également la manière. Sur la forme, il est difficile de prendre le film en faute, les cadrages, mouvements de caméra et l’éclairage étant toujours soigneusement maîtrisés. En revanche, le développement de l’intrigue laisse davantage à désirer. Gilda donne rapidement le ton, tout comme les enjeux sont vite et bien exposés. Cependant, nous nous retrouvons rapidement confrontés à une histoire qui a tendance à tourner en rond, à invoquer à plusieurs reprises les mêmes motifs, presque jusqu’à l’usure, rendant le tout presque invraisemblable, à force. Le personnage de Gilda est certainement le plus intéressant, par rapport à des personnages masculins beaucoup plus caricaturaux, incarnés par des acteurs assez peu inspirés (on pardonnera notamment à Glenn Ford que l’on retrouvera plus tard, avec plaisir, chez Fritz Lang dans Règlement de comptes). Progressivement, Gilda se retrouve enfermé dans un dispositif dans lequel il se complaît autant qu’il se perd, rendant le dénouement d’autant plus opportuniste et improbable.


La postérité de Gilda est, sans aucun doute, intimement liée à la présence de Rita Hayworth, beauté fatale et torturée, qui irradie l’écran de sa présence, et qui représente sûrement le plus bel atout du film. Une présence lumineuse, voire éblouissante, tant elle semble avoir fait oublier les faiblesses d’un film aujourd’hui considéré comme un classique absolu, notamment dans un genre comptant lui-même d’autres très grands films, qui lui sont souvent supérieurs, et qui n’ont pourtant pas su acquérir la même renommée.


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le 24 nov. 2020

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