"Ce que l'on fait dans sa vie résonne dans l'éternité."

Le général romain Maximus (Russell Crowe, grandiose) a toujours conservé envers l’empereur Marc-Aurèle (Richard Harris) une loyauté sans faille doublée d’une sincère amitié. C’est ce qui rend jaloux le fils de l’empereur, Commode (Joaquin Phoenix), homme sans scrupules qui n’a jamais réussi à gagner l’estime de son père. Or, quand Marc-Aurèle manifeste la volonté de prendre Maximus comme successeur, Commode assassine ce dernier et fait tomber Maximus en disgrâce. Devenu esclave, Maximus est entraîné en tant que gladiateur par l’entraîneur Proximo (Oliver Reed). Face au talent de son élève, Proximo ne vise plus qu’une chose : présenter Maximus au Colisée et offrir ainsi aux Romains le plus grand spectacle de leur vie. Maximus accepte de s’entraîner en vue du Colisée, mais avec un seul but en tête : retrouver Commode, devenu empereur, et obtenir sa vengeance…


On connaît l’histoire, tant le film de Ridley Scott est devenu un objet de culte dans tous les temples cinéphiles de la planète, et ce à raison. On connaît souvent moins l’Histoire, et c’est bien dommage, tant la connaissance des faits et des personnages permet au spectateur d’adopter le regard critique qui convient, en sachant prendre la distance nécessaire avec le récit écrit par David Franzoni, John Logan et William Nicholson. En effet, ces derniers opèrent de nombreuses trahisons, raison pour laquelle les historiens les plus puristes rejettent souvent ce film en bloc (à tort, bien entendu).
Ridley Scott et son équipe se montrent pourtant fidèles à la règle numéro un du cinéma historique, bien résumée par la belle maxime de Robert Rosenstone : « A l’écran, l’histoire doit être fictive pour être vraie ». Trahir l’Histoire pour mieux la restituer, c’est bien ce que fait ici Ridley Scott, et il le fait avec brio, même si l’on peut déplorer que le public actuel tombe souvent dans le piège de prendre ce qui lui est montré pour argent comptant, là où un pareil film devrait simplement être, non une destination, mais une porte d’entrée vers la connaissance de l’Antiquité romaine.


Quoiqu’il en soit, la reconstitution historique n’en reste pas moins remarquable. Le travail acharné du directeur artistique Arthur Max allié à des effets spéciaux impressionnants (d’autant plus pour un film de 2000) et à la musique titanesque d’Hans Zimmer et Lisa Gerrard, directement influencée par le génial Gustav Holst (compositeur de la célèbre suite symphonique Les Planètes) font de la Rome antique un monde incroyablement vivant, dans lequel on s’immerge totalement. De la somptueuse scène de bataille ouvrant le film aux combats dans l’arène, on ne peut qu’y croire, à chaque minute de film, tant la caméra de Ridley Scott et de John Mathieson parvient à capter le détail qui parachève l’illusion.
Il faut dire que les acteurs ne sont pas en reste, le duo Russell Crowe-Joaquin Phoenix étant bien sûr le sommet du film, par l’incroyable génie et l’implacable magnétisme qui se dégage des deux acteurs, bien complétés par une Connie Nielsen, toute en sensibilité. Les rôles secondaires ne sont toutefois pas négligés, et voir défiler en toge romaine les immenses Richard Harris, Oliver Reed, Derek Jacobi ou David Schofield a quelque chose de paradisiaque pour tout cinéphile qui se respecte. Le génie de cette distribution n’est évidemment pas pour rien dans l’attachement que l’on porte aux personnages, parfaitement écrits sans jamais basculer dans le pathos gratuit.
Comme toujours dans sa filmographie, Ridley Scott apporte donc un soin unique à accorder entre eux les différents éléments de son équipe pour nous offrir un résultat époustouflant sur le plan visuel et dramaturgique.


Pour autant, le récit ne mise pas uniquement sur le spectaculaire, et Gladiator se montre tout aussi brillant dans ses scènes d’intrigues politiques, le scénario ressemblant à s’y méprendre à du Dumas transposé dans l’Antiquité. Et même si la problématique principale du film n’a sans doute pas grand-chose d’historique (a priori, ni Marc-Aurèle ni le Sénat n’ont cherché à rétablir la République au IIe siècle après Jésus-Christ), elle interroge à merveille les différentes situations posées pour en tirer des objets de réflexion intemporels. Ainsi, plus qu’un film sur l’Antiquité, Gladiator se révèle également un film sur le pouvoir, sur le commandement, sur la loyauté, l’honneur, la famille, et finalement, simplement sur l’Homme.
Grande épopée humaniste, il nous rappelle les vraies vertus d’héroïsme qui peuvent rendre grand même l’être le plus insignifiant, et en cela, le cadre de la Rome antique est parfaitement choisi. De fait, le film réussit à restituer le pire et le meilleur de cette civilisation qui, même au travers de ses périodes de décadence, n’en restait pas moins, comme le dit joliment Maximus, « la lumière du monde », préparant le terrain à une autre civilisation – chrétienne, celle-ci – qui allait parachever l’œuvre civilisatrice sans précédent entamée par l’Empire romain.
Culminant notamment dans un final d’une majesté que peu de films peuvent se vanter d’égaler, le film de Ridley Scott revêt ainsi un souffle d’autant plus épique qu’il s’élève au-dessus du spectacle pur et donne à réfléchir son spectateur sur tous les événements qui lui sont montrés.


Dès lors, de bon divertissement, Gladiator devient avant tout un grand film, et même – osons le mot – un chef-d’œuvre, qui, plus que jamais, rend un des plus beaux hommages qu'il nous ait été donné de voir à l'Illusion cinématographique dans ce qu'elle a de plus beau et de plus grand. Il est de ces chefs-d’œuvre qui, instantanément, se trouvent gravés dans le marbre colossal de l’Histoire du cinéma, et dans la mémoire du spectateur, pour ne plus jamais les quitter.



Rome vaut-elle la mort d'un homme si bon ? Nous le croyions autrefois. Fais que nous le croyions à nouveau.


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le 30 mai 2019

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Tonto

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