Mon dieu (dans ces moments là, je me mets à croire), mon dieu que c'est beau un blu-ray la nuit! Alors évidemment, il faut déjà être sensible au style, à l'esthétique pop du James Bond de l'époque. Ce qui est mon cas. Évidemment, je sirote l'extrême détail, la texture des détails, les poils sur les jambes de la James Bond girl du générique ou le velouté des couleurs pastels par exemple. La mode vestimentaire de l'époque, comme l'allure à la fois massive et élancée des voitures donnent au film une patine qui le rattache à son temps.

Le superbe travail décoratif de Ken Adam, même s'il est peut-être un poil en deçà de ses autres participations... disons qu'ici les décors sont un peu moins mis en valeur, moins éclairés, son travail donc place également le film dans une tradition graphique qu'il est très agréable de retrouver de JB en JB, une sorte de rendez-vous esthétique vintage qui est un voyage toujours délicieux. Le blu ray rend éminemment justice à cette armada de détails qui font le style James Bond connerien.

Guy Hamilton réussit avec maestria à épouser le style de Terence Young, avec peut-être un peu moins de flamboyance, plus de sobriété. Son James Bond est même un peu affiné dans la composition qu'en livre Sean Connery. Tous les éléments qui ont fait et feront la gloire de la série sont déjà là, des gadgets aux James Bond girls, de Q à l'Aston Martin (1ère apparition de cette dernière). Seule la base secrète est absente du tableau.

Mais le méchant Goldfinger, incarné par l'adipeux Gert Froebe, est affublé d'une double coréen effrayant à souhait (Harold Sakata). Oddjob semble sorti tout droit d'un méchant cauchemar.

Et à force d'y réfléchir, je me demande si le fait que cet épisode constitue l'un de mes préférés n'est pas dû en très grande partie à l'habillage musical de John Barry. La bande originale est en tout point maitrisé. A telle enseigne que je ne crains pas de dire qu'elle s'offre le luxe d'être autonome : je vous conseille vivement de l'acheter, vous l'écouterez avec un réel plaisir, indépendamment du film. Équilibrée, expressive, sensuelle ou inquiétante, elle varie dans les émotions avec une richesse chromatique très étonnante.

Ce James Bond est aussi l'occasion pour ceux qui n'auraient pas eu l'heur de voir les première saisons de "Chapeau melon et bottes de cuir" de découvrir une actrice anglaise remarquable, Honor Blackman, ici "féministe" aviatrice en la personne de Pussy Galore, tout un programme!

Au final, "Goldfinger" figure comme un des James Bond les plus aboutis, solide gaillard qui ne se démode pas et pose un héros cohérent, sans trop de fioriture, élégant, racé et que l'on évoque souvent pour étalonner les suivants, la référence en somme. J'aime bien le tout premier, "James Bond contre Dr No", et ai donc du mal à les départager. "Casino Royale" et "Skyfall" ont fait entrer la série dans une autre sphère. Mais pour le premier style, ce "Goldfinger" mérite sa place sur le piédestal sans problème. Sans doute un de ceux que je reverrai mille fois toujours avec un immense plaisir.

Aussi loin qu'il m'en souvienne ce "Goldfinger" fait partie de ce jeu subtil qui s'instaure dès l'enfance entre le cinéma et mézigue, une relation quasi vitale. Il y a bien évidemment quelque chose de l'ordre de l'affectif par conséquent dans mes appréciations lorsqu'il s'agit des premiers bonds. Mais celui-là prend une forme très pure, très nette, sans doute due à son récit, sa linéarité, qui fait qu'il s'est ancré plus que les autres. Les certitudes qu'il semble afficher étaient-elles plus rassurantes? Probablement qu'on touche là à une histoire personnelle trop intime, m'enfin, difficile d'échapper parfois à cela, dès lors qu'on entend expliquer son amour profond pour un film, un acteur, un cinéaste, une époque, un style, etc. Quand on n'arrive pas bien à distinguer avec clarté les éléments d'explication carrément cinématographiques, la réponse vient parfois du cœur ou du bide. Et mon "Goldfinger" va chatouiller de ce côté-là, de la construction de soi, de ma cinéphilie. Alors, plus de 30 ans plus tard, quand je découvre ce magnifique objet, ce blu ray impeccable, le moment est attendri, plein d'émotions lointaines qui remontent.
Alligator
9
Écrit par

Créée

le 25 déc. 2012

Modifiée

le 16 mars 2013

Critique lue 479 fois

7 j'aime

1 commentaire

Alligator

Écrit par

Critique lue 479 fois

7
1

D'autres avis sur Goldfinger

Goldfinger
Docteur_Jivago
7

La Folie des Grandeurs

Troisième mission pour l'agent Bond, qui accueille avec Goldfinger un nouveau réalisateur en la personne de Guy Hamilton qui va installer cette aventure comme l'une des plus célèbres de la saga 007...

le 6 nov. 2014

49 j'aime

7

Goldfinger
Bondmax
8

Les 007 merveilles de Goldfinger

Goldfinger est ce que l'on peut appeler un film culte. Considéré par beaucoup comme le meilleur James Bond, à part peut-être pour les nouveaux venus qui ne jurent que par Craig, et moi qui ne jure...

le 4 mai 2014

47 j'aime

5

Goldfinger
Melly
8

The man with the Midas touch!

Suite à l’effervescence autour de Skyfall et du magnifique thème d’Adèle, je me suis lancée à la redécouverte des anciennes chansons qui ont fait la gloire de 007. Là-dessus, je tombe bien évidemment...

le 7 avr. 2013

36 j'aime

1

Du même critique

The Handmaid's Tale : La Servante écarlate
Alligator
5

Critique de The Handmaid's Tale : La Servante écarlate par Alligator

Très excité par le sujet et intrigué par le succès aux Emmy Awards, j’avais hâte de découvrir cette série. Malheureusement, je suis très déçu par la mise en scène et par la scénarisation. Assez...

le 22 nov. 2017

54 j'aime

16

Holy Motors
Alligator
3

Critique de Holy Motors par Alligator

août 2012: "Holly motors fuck!", ai-je envie de dire en sortant de la salle. Curieux : quand j'en suis sorti j'ai trouvé la rue dans la pénombre, sans un seul lampadaire réconfortant, un peu comme...

le 20 avr. 2013

53 j'aime

16

Sharp Objects
Alligator
9

Critique de Sharp Objects par Alligator

En règle générale, les œuvres se nourrissant ou bâtissant toute leur démonstration sur le pathos, l’enlisement, la plainte gémissante des protagonistes me les brisent menues. Il faut un sacré talent...

le 4 sept. 2018

50 j'aime