The world is full of lonely people waiting to make the first move



J’aurais pu rebondir sur de nombreux morceaux de dialogues issus du film pour illustrer mon propos mais j’ai choisi celui-ci car il me semble être le plus emblématique. « Le monde est rempli de personnes seules attendant de faire le premier pas » rétorque Tony Vallelonga, gros bras italo-américain raciste et misogyne, à Don Shirley, virtuose afro-américain intellectuel et coincé. Green Book met en œuvre des personnages authentiques. Deux personnalités diamétralement opposées de par leurs communautés respectives. Opposés également dans leur style de vie, l’un vit avec ses enfants et sa femme dans un trois pièces dans le Bronx constamment entouré par le reste de sa famille, et l’autre vit à Manhattan au-dessus d’un music-hall. Peter Farrelly s’inspire ici d’une histoire vraie qui se déroule en 1962 à l’époque des lois ségrégationnistes aux États-Unis dites lois Jim Crow. Lois qui seront abolies deux années plus tard par le Civil Rights Act.


L’industrie cinématographique américaine est friande des films sur la ségrégation raciale. Il est vrai que la recette est excellente, qu’elle soit traitée de manière putassière ou plus habilement, le sujet constitue bien souvent une réussite commerciale (Les figures de l’ombre en 2016 ou La couleur des sentiments en 2011) et/ou un succès critique (12 years a slave en 2013). Green Book n’aura pas dérogé à la règle, fraichement récompensé par l’Oscar du meilleur film, du meilleur scénario original et du meilleur acteur dans un second rôle (Mahershala Ali) en février 2019. Un rôle considéré comme second pour Mahershala Ali alors qu’il n’y a pas vraiment de second rôle dans ce film, le duo Mortensen/Mahershala constitue le rôle principal. Viggo Mortensen bluffe, comme à son habitude, par son habileté à se mettre dans la peau d’un personnage, que ce soit de par sa transformation physique ou de par son interprétation. Mahershala Ali confirme son talent en interprétant différentes tonalités d’interprétation après la consécration critique Moonlight en 2017, là aussi récompensé de l’Oscar du meilleur acteur dans un second rôle.


La valeur de ce road-trip tragi-comique réside dans sa simplicité tant au niveau de la réalisation qu’au niveau scénaristique. Quand certains réalisateurs paraphrasent sur le thème de la ségrégation, Peter Farrelly, lui, la transcrit au second plan de son long-métrage. Ce moment passé en compagnie du duo est une longue ballade de médiation semée de remises en question philosophiques et culturelles. Cette balade est un mouvement continu dans l’espace alors que les esprits des protagonistes sont eux en évolution perpétuelle et arrivent à un point culminant représenté par une authentique pureté. Cette pureté matérialisée par des valeurs telles que l’abnégation, la bienveillance et l’empathie. Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec le dernier Clint Eastwood qui, comme Green book, est une sorte de voyage dans l’intimité de son héros entreprit à l’image des excursions à travers les USA. Dans la Mule, quand l’intrigue atteint son point culminant, Earl Stone connaît le véritable sens de la vie qu’il mène à l’instar de Don Shirley dans Green Book. Et dans les deux films, le comique a une place centrale dans le déroulement de l'intrigue.


J’ai quand même quelques regrets au niveau du traitement de la photographie qui n’est pas assez travaillée. La beauté sauvage du Sud laisse souvent de marbre, on se souvient de Days of Heaven de Terrence Malick ou encore de There will be blood de Paul Thomas Anderson. L’approfondissement psychanalytique aurait pu également être plus profond, on se cantonne parfois à certaines évidences sociologiques. Dans l’ensemble, on ressort sûrement plus vivant de cette séance, c’est ce qui constitue l’essence même d’un feel-good movie, style que maîtrise parfaitement Peter Farrelly (Marie à tout prix, Fous d’Irène). Ce petit happy-end dans un New-York de la belle époque durant le réveillon de Noël sous la neige fait son petit effet sans donner dans la niaiserie rudimentaire. Green book est une grosse injection de tolérance dans un monde sectaire qui s’éparpille en communautés endoctrinées calfeutrées sur elles-mêmes.

baptistevanbalbergh
8

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes 2019, année de tous les excès (films vus/revus en 2019) et Les meilleurs films de 2019

Créée

le 11 mars 2019

Critique lue 305 fois

4 j'aime

2 commentaires

The Passenger

Écrit par

Critique lue 305 fois

4
2

D'autres avis sur Green Book - Sur les routes du Sud

Green Book - Sur les routes du Sud
EricDebarnot
7

Drôle de drame

Il est facile de se gausser de ce "Green Book", première tentative de voler en solo - sans son frère dont on le pensait inséparable - d'un Farrelly : un réalisateur plutôt spécialiste du rire facile...

le 27 janv. 2019

127 j'aime

29

Green Book - Sur les routes du Sud
Larrire_Cuisine
5

[Ciné Club Sandwich] Un roadtrip garanti sans gilets jaunes

DISCLAIMER : La note de 5 est une note par défaut, une note "neutre". Nous mettons la même note à tous les films car nous ne sommes pas forcément favorable à un système de notation. Seule la critique...

le 25 janv. 2019

98 j'aime

10

Green Book - Sur les routes du Sud
voiron
7

Critique de Green Book - Sur les routes du Sud par voiron

Il s’agit de l’histoire vraie de la relation entre le pianiste de jazz afro-américain Don Shirley et le videur italo-américain Tony Lip, de son vrai nom Frank Anthony Vallelonga. Les deux hommes se...

le 30 janv. 2019

85 j'aime

22

Du même critique

La Face cachée de Margo
baptistevanbalbergh
3

La farce cachée du Magot

94 places dans la salle n°3. 51 personnes présentes dans cette salle dont 4 de sexe masculin et par conséquent 47 de sexe féminin ce qui nous donne précisément 92,2% de femelles et 7,8% d’hommes qui...

le 25 août 2015

35 j'aime

5

Pattaya
baptistevanbalbergh
2

Patatras…

Impatient d’assister à ma première bonne comédie française de ce début d’année 2016, c’est d’un pas décidé que je pars voir cette seconde réalisation de Franck Gastambide après Les Kaïra en 2012. La...

le 9 mars 2016

31 j'aime

Les Anges de La Télé-Réalité
baptistevanbalbergh
1

Le déclin de notre civilisation

Tout d’abord je conçois qu’il est facile de s’adonner à de sévères critiques sur ce genre de programmes, mais sachez que j’ai écrit ce texte en guise d’exutoire à ma colère dans le but de me défouler...

le 12 juin 2015

21 j'aime

14