A première vue ce projet semblait complètement improbable. Le comédien et réalisateur Alex Lutz, pour son premier essai derrière la caméra, en a pourtant fait un objet de cinéma unique et incongru, à la fois totalement maîtrisé et vraiment renversant. Volontairement, « Guy » est une œuvre à cheval entre le film, le documentaire et la fausse biographie. Un « documenteur » comme on aime à la dire, c’est-à-dire un documentaire sur une personne ou des faits inventés. Dans cette catégorie plutôt rare on a pu voir « Incident au Loch Ness » par exemple. Et pour que le concept fonctionne, il faut vraiment qu’on adhère au procédé, et on peut dire que le pari est gagné haut la main. Lutz a réussi à créer un personnage de fiction attachant, haut en couleurs et drôle qui nous alpague de la première à la dernière seconde.
Par le biais d’un fils qu’il ignore qui veut se rapprocher de son père en tournant un documentaire sur lui, on entre donc dans la vie du chanteur Guy Jamet. Une gloire de la chanson française démodée à cheval entre Claude François, Serge Gainsbourg et Renaud. Mais la force du film - et surtout du personnage - est d’avoir réussi à lui créer un univers et une personnalité propre. On suit donc avec gourmandise, curiosité et l’œil amusé, la tournée de cet ancien chanteur dépassé. C’est un peu la version truquée et romancée d’un mélange improbable entre un épisode de l’émission « Reportages » et des long-métrages « Quand j’étais chanteur » et « Cloclo ». Et c’est beaucoup plus frais et original. Mais la force principale de « Guy » est l’ahurissante incarnation du personnage titre par Alex Lutz. Il a réussi a crée de toutes pièces une légende imaginaire et l’a rendu plausible de bout en bout. Le maquillage est époustouflant tout comme les mimiques et la voix inventées pour l’occasion. Un personnage de composition qui mérite clairement une récompense dans les prochaines cérémonies de remises de prix. Le comédien est tout bonnement incroyable et bluffant.
Le procédé est impeccablement tenu tout le long du film si bien que l’on s’étonne même à plusieurs reprises de se rappeler que l’existence de Guy Jamet a été inventée de toutes pièces. Au-delà de cette prouesse, on rit souvent par la force de dialogues savamment mis en bouche et très réalistes. Grâce à l’intervention de plusieurs amis du milieu du show-boz (Drucker, Julien Clerc, …), on plonge vraiment dans la vie de cet artiste imaginaire et on rit avec lui de ses déboires avec la vie et de son franc-parler. Il y a même quelques réflexions bien senties sur notre époque. Mieux, il parvient à nous émouvoir et à nous plonger parfois dans une certaine nostalgie sur l’âge et le temps qui passe. A nous faire rêver à un temps aujourd’hui révolu, une période fantasmée où les chanteurs à femmes tenaient encore le haut de l’affiche. Les images d’époques recréées pour l’occasion sont bluffantes de réalisme et, encore plus étonnant, les chansons écrites pour le film parviennent à nous emporter et à nous faire fredonner à l’unisson. « Guy » tient uniquement ses limites dans celles que posent ce qu’on pourrait appeler le vrai cinéma (notamment formelles), mais c’est une proposition de septième art riche, réussie et vraiment étonnante. Du genre qu’on n’aurait pas cru réalisable rien qu’en l’énonçant. Bravo !
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