L'échec public monumental du dernier film de Michael Mann au box office US en pleine affaire de piratage de Sony a de quoi laisser songeur sur l'avenir de Hollywood. Mann semblait pourtant avec son dernier film donner des gages à l'industrie du cinéma en proposant un thriller efficace programmé pour devenir un blockbuster...
Pourtant, le scénario de Michael Mann est d’autant plus pertinent que la destruction d’infrastructures par des attaques informatiques est loin d’être une vue de l’esprit (les stratégies de cyber attaque ont eu, outre l'affaire Sony des échos dans l'actualité récemment, avec par exemple le sabotage des usines d'enrichissement d'uranium iranien par un ver informatique).
L'alliage entre une fiction archi-contemporaine et récit ultra classique est le point le plus faible du film : les raccourcis du récit pas toujours vraisemblables, font parfois passer le scénario pour un bon vieux James Bond (Macao choisit comme décor pour le blanchiment d'argent du crime : Skyfall sort de ce corps...). On passe également sur le vocabulaire crypté très documenté qui finit par crisper (les cybercriminels brouillent les pistes au moyen de serveur proxy....).
Mais c'est quand Mann échappe à la commande, à la nécessité de faire récit (et donc au dialogue), que son talent finit par exploser.
Le monde ultraconnecté de Blackhat semble être généré par l'abstraction et le virtuel ; il suffit d'une pression sur une touche "enter" de clavier pour allumer une diode qui, au terme d'un plan séquence grandiose, déclenche une catastrophe nucléaire. Puis, au cours de l'enquête, le réel finit par contaminer le virtuel et l'humain gagner sur la machine (les gros plans et la sensualité des corps alternant avec les écrans d'ordinateurs, de téléphones portables ou d'images satellites). Cette démonstration, un brin théorique, est l'occasion pour Mann de déployer toute la palette de son génie. Les scènes d'action très physiques, filmées caméra à l'épaule feraient passer Tsui Hark pour un amateur. La fluidité du montage de Blackhat est impressionnante et produit quelques moments de grâce. On pourra toujours dire "à quoi bon". Le monde de Blackhat reste une description pertinente d'un après 11 septembre désenchanté et menaçant et dans lequel on ne peut s'échapper que par la dissolution des corps en autant de pixels d'une caméra de surveillance.

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le 18 mars 2015

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