Ce quatrième volet des aventures de la star cannibale atteste la tendance actuelle et ô combien fâcheuse de constamment remonter à la source de tout mythe pour tenter d’en élucider les parts obscures, tendance qui renie la dimension religieuse de l’art cinématographique capable de donner corps et âme au Mal sans, jusqu’alors, l’expliquer. Et la grande force d’Hannibal se tenait là tout entière, dans cette propension à écarter tout discours à tendance psychanalytique pour privilégier la fatalité, pour générer l’incompréhension. Avec Les Origines du Mal, rien de tel. Censé construire son destin, le jeune traumatisé de la Seconde Guerre mondiale – car quoi de mieux que de mêler le nazisme, une fois de plus, à l’origine de ce trouble nommé cannibalisme ? – se contente de l’appliquer sans rencontrer la moindre difficulté : connaissant son point d’arrivée (Le Silence des Agneaux, en somme), il traverse l’Histoire sans en éprouver les aspérités, à l’exception du cauchemar qu’il n’a de cesse de ressasser, pour notre plus grand dégoût. Par sa volonté apparente de transformer l’homme raffiné en pantin gore d’un blockbuster à la dégueulasserie à peine masquée – les pires Saw n’étant guère loin –, Peter Webber se saisit de chaque mystère inhérent aux œuvres précédentes pour les revisiter de façon gratuite : pensons ici à l’« Aria de Capo » (« Goldberg Variations ») composé par Bach et qui surgit dans la chambre où Hannibal médite son plan de vengeance. Car le cannibalisme est ici expliqué, justifié, lourdement pseudo-psychanalytique : non une haine de l’humain ou, au contraire, un appétit de l’humain, seulement une vendetta déjà vue et revue. Et le pauvre Gaspard Ulliel force le trait dans l’espoir de retrouver la grâce maléfique d’Anthony Hopkins, ce qu’il ne réussit à aucun moment. Dans ce gloubi-boulga de cultures où tout le monde parle anglais, la menace apparaît si contenue et si délimitée qu’au lieu de donner naissance au Mal, ce récit des origines réduit ce dernier à n’être qu’une pochade aussi grotesque que bêtement gore. Un contre-sens absolu.

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le 9 juin 2019

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