Happiness
7.4
Happiness

Film de Todd Solondz (1998)

Happiness est loin d'être un mauvais film mais il a le petit défaut d'être un film mauvais.
Je devrai argumenter pour défendre la note pitoyable que je lui ai collé et je me sais loin d'une unanimité à laquelle j'aurais été tenté de ma rallier, si je n'avais pris connaissance de ce film de 17 ans d'âge par l'intermédiaire de l'école secondaire où mon fils suit ses études.


Certes, il s'agissait de la scène d'ouverture (3min) à analyser, mais cet extrait anodin vu en classe a tout pour inciter ces étudiants de 5éme (+/-16 ans) à prendre connaissance du contexte où elle s'inscrit, donc à mater le film, ce qui peut être accessible d'un clic). 16 ans n'est pas 11 ni 13 ans, me rétorque Raton et on est pas des moules à gaufre non-plus, à 16 ans on en sait déjà pas mal sur la sexualité, etc. Ce à quoi je renverrais qu'à 16 ans on est un modèle pour ses cadet/tes et qu'une telle vidéo a toute les chance d'être vue avec le petit frère ou la petite sœur si le visionnage est simple dans la chambre ou quand les parents sont absorbés ailleurs.
Cela dit, à 16/17 ans, c'est l'âge où on pense de suite avoir tout compris dès lors qu'on pense avoir compris une bribe, se faisant l'économie de vérifier si les concepts sont acquis.
Qui ne se souviens pas avoir revu vers ses 30 ans un film vu à 16 ans en y trouvant carrément autre-chose de, cette fois, bien plus objectif (?)


La première scène, fort clownesque en regard du reste, a tout pour accrocher un jeune publique, alors que la suite, parle librement de pédophilie sans finalement se montrer objectivement hostile à ces pratiques. Ne vous énervez pas tout-de-suite, je vais développer...


La jeune victime du viol n'a aucun trauma ou même malaise, ni via les lésions dues à l'acte en lui-même, ni même à l'annonce de son "diagnostique". Aucun problème du côté de la victime, à part la colère de son père "réactionnaire".


Le psychiatre pédophile est exemplaire aux yeux de sa famille tant qu'il garde son secret bien consciencieusement. C'est au moment où éclate le scandale, par mégarde, qu'arrivent les problèmes et les retombées fâcheuses, sinon, en fait, tout semblait être consensuel dans cette famille et sa perversion suivait son cours sans interférer.


Le pédophile, outre le fait de son air pervers inhérent, garde dans ses rapports à sa femme et à ses enfants le rôle plutôt "digne" de père de famille. Malgré ses maladresses, il analyse les situations jusqu'à sa propre condition, de façon très rationnelle. Il n'est pas disposé à abuser de ses enfants néanmoins, les dialogues qu'il entretien sur la "masturbation" avec son fils deviennent de plus en plus tendancieux. Il apparaît peu clair le fait que son fils souhaiterait vivre avec lui cette expérience ou pas. C'est étonnant au sortir d'une longue scène qui est dédiée aux aveux. Le gamin est fort pris émotionnellement mais on ne sait pas au juste par quel biais? On n'a pas sa conclusion, l'interprétation se passe dans la tête du spectateur et ouvre un champs lubrique aux pédos!


La sexualité des autres intervenants est repoussante, entre adultes hétéros, ça n'a pas l'air glorieux du-tout, sans demi-mesure entre la frustration et l'aigreur, la déception.


Si le père pédophile est bien pris par la police, pas une scène n'y est vraiment dédiée, le scandale se montre exclusivement via le tag super maladroit et difficilement lisible sur la façade, des yeux en chien-de-faillence, ... mais on a pas de "chef d'accusation", pas de fin mot du père de Johnny (le gamin empoisonné/violé), pas de scène avec des képis et des pin-pon... Autrement dit, pour un trop jeune publique, plein de scènes extrêmes, cyniques, au 3ème degré, qui sont de l'ordre du "rien compris" mais néanmoins porteuses d'une certaine fascination, sans aucun réel signal visible/lisible de "attention danger" ou "infraction gave".
Tout reste explicité par le biais psychologique dans un flux déjà peu clair.


Assister à un happy-end en la masturbation d'un gamin façe à blondasse en maillot peut sembler nous signifier "Ah, ouf! le petit est "normal" mais, à 12 ans, il ne risque évidemment pas d'avoir des pulsions pédophiles, du style à s'exciter devant des vieillards ou vis-à-vis des bébés!
Il a douze ans, il se branle sur la terrasse pour finir avec un gros-plan de coulis de sperme sur la balustrade, que vient lécher le chien, c'est parti disparu, ya pu... Il revient au living pour annoncer à toute la famille qui chante "happiness", avec des yeux d'escort-girl zélatrice, "I came!" (j'ai jouis!) la chanson continue et Pif! The end.


Donc, allons allons, qu'est-on entrain de nous raconter dans ce film, au fait ??? À qui s'adresse t'il ??? Ce happy-end est un cadeau aux pédos! Un chant du coq! Car, qui s'intéresse à la sexualité d'un gamin de onze ans ??? Un gamin de onze ans ou un pédo ?!! (plus rarement, une gamine ou une pédo). Ici on tournoie presque deux heures autour d'un gamin qui n'arrive pas à se branler alors qu'un bon gros vioque lui règle ça en moins de deux !!! Si ce gamin a des problèmes avec cette découverte, c'est parce qu'il en a appris l'existence alors qu'il n'était pas prêt, que la pulsion n'y était pas. Donc il a du chercher pendant un an en questionnant son père car "en classe, tout le monde l'a fait". Or ce film est par excellence l'outil à informer les trop-jeunes de l'existence d'un truc à chercher, car ce film, dans le contexte culturel actuel a tout pour passer comme "didactique" pour informer un jeune publique (d'école primaire) contre (mais en fait sur) "la pédophilie" et concernant la découverte à faire concernant l'orgasme.


Ces choses ont tout intérêt à émerger quand les hormones y correspondant se manifestent, c'est essentiellement une découverte intérieure et cette surinformation me semble totalement déplacée.


On nous montre aussi un obsédé du téléphone anonyme-de-cul qui obtient le consentement de sa victime, si lui est trop minable et con en face-à-face, toi, peut-être que tu te la fais, la belle meuf ? Encourage-t-on ce genre de niaiserie perverse ou la dénonce-t-on ???
On nous montre que si les belles femmes sont naïves ou tarées, la grosse est vraiment un monstre, psycho et assassine.


Bref pour revenir à la première scène du film qui faisait l'objet d'un travail scolaire, il se trouve que mon fils n'avais pas compris le sens profond, pourtant évident à mes yeux d'adulte. Il considérait qu'il s'agissait d'une sorte de surréalisme, de sketch absurde sans queue ni tête. Effectivement, une rupture de trentenaires déçus par leur première nuit n'est en réalité pas un concept maîtrisé, puisque vivant sa première relation et n'ayant jamais rompu. Pour qui, à 16 ans, n'a pour ses raisons, jamais trouvé avec qui tenter de passer une nuit, cette scène ne veut rien dire du tout où au contraire, vient ressortir et dramatiser la situation !!!
L'aspect didactique m'a donc l'air tout-à-fait douteux dans le cadre scolaire où se film se propage étonnamment! C'est un film très pro pour adultes (et très certainement pour pédos) douteusement calibré vers les jeunes!


Donc je met "2" pour l'humour cinglant dans le cynisme qui fait rire quand-même quand la réalisation l'a décidé.

tobor
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le 19 mars 2016

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tobor

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