Moins violent n'est pas plus subtil

Le moins qu'on puisse dire, c'est que je ne m'attendais pas, de la part du réalisateur du Ruban Blanc, à un film oubliable et sans caractère, qui se laisse gentiment regarder.
Remisez la violence, renoncez au traumatisme, très bien. Mais n'oubliez pas d'avoir tout de même quelque chose à montrer. Happy End, c'est l'injuste milieu. On rit. Un peu. C'est gentiment grinçant, cette bourgeoisie qui n'arrive pas à vivre heureuse, et s'empêtre dans les non-dits.
Les acteurs font un travail correct. Mathieu Kassovitz campe bien un chirurgien au physique pas déplaisant, à qui tout réussit, mais complètement vide à l'intérieur. Jean-Louis Trintignant, en vieux gâteux aux tendances suicidaires, n'est pas mauvais non plus. Mais jamais hilarant, ni jamais vraiment touchant. La petite, Fantine Harduin, pré-adolescente également suicidaire, est plutôt convaincante aussi, bien que son rôle ne provoque jamais l'émotion. Armée de son iPhone, la cinéaste en herbe nous offre quelques séquences peu marquantes en format portrait. En tant que jeune fille à la caméra et jouant avec la mort, elle n'arrive pas à la cheville du personnage de l'Élégance du Hérisson.
Et voilà bien le problème de ce film : il n'offre rien de neuf et part sans entrain dans toutes les directions possibles, s'arrêtant essoufflé au bout de trois mètres. Sur chacun de ces sentiers déjà battus, un illustre coureur l'a précédé. Que vaut ce drame bourgeois du statu quo, face au maitre absolu de tous les drames bourgeois du statu quo, l'Oncle Vania de Tchekhov ? Que vaut cette mise en scène fade, à quoi bon ces plans-séquences sans idée, face à n'importe quel autre film de Haneke ? Que vaut cet humour en demi-teinte, par rapport à celui de toute véritable comédie assumée ? Et ces tentatives de suicide qui n'expriment rien. Ne pas les montrer à l'écran ne suffit pas à les rendre lourdes de sens. Faire moins n'est pas toujours faire mieux.
Quand on ne provoque pas d'émotion forte, on n'en devient pas subtil pour autant. Ce n'est pas simplement en mettant de l'eau dans son vin qu'un Igor Stravinski peut se changer en Gabriel Fauré. Et cela pour une raison simple : il faut avoir, derrière, une idée, un projet, un véritable talent pour mélanger dans un but précis des humeurs et ambiances antinomiques.
Et à courir quinze lièvres à la fois, ou plutôt à trotter mollement derrière eux, Haneke n'en a attrapé aucun.

AegonVII
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le 5 juin 2017

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