Où ça nous mène, la folie des hommes... On court tout droit à notre perte !

Tout comme le mystérieux rônin qui se présente au château de Kageyu Saito dès les premières minutes du métrage, Harakiri est un film qui avance masqué. Sous ces airs de film de samouraï classique, respectant en façade les codes fondamentaux du genre, glorifiant en apparence cette armure de guerrier qui nous est présentée sous tous les jours dans la scène d'introduction, le chef-d'oeuvre de Masaki Kobayashi ne tarde pas à nous révéler sa véritable nature, celle d'un anti-chambara détournant de l'intérieur tous les traits caractéristiques de ce cinéma.

L'honneur, qualité suprême du samouraï, y est ici profondément remis en question : pourtant sur toutes les lèvres et semblant guider tous les comportements, cette prétendue vertu nous est montrée comme une chimère dangereuse, une hypocrisie à la fois galvaudée et même bafouée par ceux qui la revendiquent dans l'acte final du film (d'un cynisme rare), un cadre rigide et désuet qui, au lieu de révéler ce qu'il y a de plus digne dans l'humain, finit par annihiler cette noblesse. Les attributs du samouraï ne deviennent que coquilles vides, symboles absurdes d'une société dans laquelle la paix est finalement plus difficile à supporter que la guerre.

Harakiri est une oeuvre extrêmement dure, à l'image de cette scène emblématique du suicide forcé d'un jeune samouraï ruiné avec ses sabres de bois, cruel tribut dû à une société hypocrite. Et pourtant, derrière cette ironie acerbe perce un propos profondément humaniste qui se fait jour à mesure que le rônin raconte son histoire (relevons au passage la maîtrise de la narration, parfaitement équilibrée entre présent et flashbacks éclairant la complexité et l'injustice de la situation). Humanité belle et douce, paradoxalement gâchée par ce qui serait censé l'élever au plus haut.

Véritable OVNI dans le paysage cinématographique japonais d'époque et oeuvre d'une importance majeure, soutenue en outre par une réalisation et un score d'un soin et d'une beauté remarquables (trouvant leur point d'orgue dans le seul affrontement au sabre qui ne soit pas hors-champ) et par une interprétation irréprochable (Akira Ishihama déchirant de naïveté brisée, Tatsuya Nakadai inondant l'oeuvre de son charisme incroyable), Harakiri est un film qui ne saurait être ignoré par tout cinéphile qui se respecte. A voir absolument !
CaptainFreeFrag
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le 26 déc. 2013

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