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Quand Warner sort l’épilogue de sa franchise multimilliardaire en 2011, ça fait 10 ans que le premier volet est sorti. C’est ici le huitième film (ou la deuxième partie du septième pour les puristes), qui met fin aux aventures d’Harry Potter au cinéma. Depuis, outre le spin-off ciné qu’est Les Animaux Fantastiques, J.K. Rowling a en effet donné une suite à cette saga dans une pièce de théâtre. Mais revenons à nos moutons. À la fin du film précédent, on laissait Voldemort au dessus de la tombe de Dumbledore, ayant pris possession de la Baguette de Sureau, artefact légendaire qui, associée à la pierre de Résurrection et à la cape d’invisibilité, permet de devenir le Maître de la Mort. Et bien ce film reprend exactement au même endroit. C’est avec le génial Lily’s Theme qu‘Alexandre Desplat introduit un Rogue désormais directeur de Poudlard, qui observe ses parfaites rangées d’élèves marcher au pas, alors même que l’école des Sorciers est gardée par des Détraqueurs. Le climat, hautement anxiogène, fait régner la peur. Harry, Ron et Hermione ont quant à eux enterré Dobby, et prévoient la suite des événements auprès de Gripsec, le gobelin vénal de Gringotts, et d’Ollivander, qui leur donne de précieuses informations sur la nouvelle baguette d’Harry (anciennement de Drago, comme quoi ils ne sont pas si différents…). Le ton du film est résolument sombre – mais pas sans espoir.


Maîtrisé et concis, ce film final arbore une mise en scène limpide, typique des films qu’a fait Yates pour la saga, à la fois propres et sans fioritures, au poil et beaux. La classe à l’anglaise. Le rythme est vraiment très bien mené, bien qu’on aurait aimé un répit un peu plus étendu après la bataille, séquence semblant un peu expédiée. Désormais vraiment saisissant dans son rôle, Radcliffe n’a rien à envier à ses pairs, que ce soit Michael Gambon, Ralph Fiennes, Helena Bonham Carter ou John Hurt qui, le temps d’une scène, nous montre à quel point on le regrette. Tout comme Alan Rickman, probablement le meilleur acteur de cette saga et qui prouve dans ce film plus encore que dans les autres l’étendue de son talent. En effet, lors d’une scène de révélation que l’on taira dans ces lignes, il fend le cœur, dans ce qui est probablement le meilleur moment de tous les films : c’est successivement beau, subtil, nuancé, intelligent, émouvant, romantique, revanchard, sacrificiel, et tout ça à la fois. Dans ce montage rondement mené, on nous fait revivre toute cette saga magnifique et sous-estimée, avec un point de vue nouveau – et bien plus. La faute aussi à Desplat, qui déploie tout le pouvoir de ses cordes dans un thème à la fois sombre et funeste pouvant parfois rappeler Max Richter. Mais Rogue n’est pas le seul personnage parfois délaissé à avoir le droit à son moment. Et on ne peut renier que Neville Londubat est le héros de la Bataille de Poudlard : en plus d’être la figure de proue de la résistance à Poudlard, il tient tête à une armée entière de Rafleurs, a le droit à un vrai face-à-face avec Vous-Savez-Qui et finit par sauver les meubles. Pas moins. Il est loin le petit rondouillard maladroit et peu sûr de lui du premier film.


À peine Harry de retour à Poudlard, que le fameux Hedwige’s Theme est repris dans une épique tonalité majeure. Et c’est là que le film bascule. Après cela, c’est la Bataille de Poudlard : voilà ce qu’aurait pu être le sous-titre de ce film, tant on a l’impression d’assister à une énorme séquence – bourrée de moments ça et là – dans laquelle toute notre galerie de personnages doivent sauver à la fois l’école de Sorcellerie et le monde des mains du serpentin Voldemort de Ralph Fiennes, qui s’en donne à cœur joie, interprétant un méchant iconique, inquiétant et imprévisible, dans un design terrifiant. Les figures maternelles d’Harry ont aussi le droit à de jolis moments : McGonagall lance un « It’s good to see you » à Harry qui noue la gorge, alors que Molly Weasley défend Ginny face à une Bellatrix Lestrange toujours plus folle. Ginny justement, ce magnifique personnage de femme de l’ombre couillue et autoritaire, drôle et belle, qui ose même lancer un « I know » très Han Solo à Harry. Les Malefoy, ces personnages nuancés et parfaits contrepoints à toute cette histoire – tant qu’ils seraient un bon prisme pour des films futurs, allo Rowling et Warner ? – ont aussi le droit à leurs moments, qu’on imagine rédempteurs pour eux, à en croire l’épilogue – et Harry Potter et l’Enfant Maudit.


Après que l’on ait vu un plan du terrain de Quidditch en feu, complètement détruit, semblant nous dire qu’on en est plus à faire joujou à la baballe sur des balais volants, on fait peu à peu le tour de tous ces endroits qu’on a visité au fil des films : la Grande Salle, la Salle sur Demande, le Bureau de Dumbledore, la Forêt Interdite et même la Chambre des Secrets. Comme une tournée d’adieu avant la fin. Les morts s’enchainent, montrant des enjeux qui font grandir à la fois nos héros et le public. Tous ont grandit avec ces personnages, et sont désormais adultes. Et si Harry Potter était en réalité une saga sur l’adolescence et sur le passage à l’âge adulte ? Harry, Hermione et Ron ont réussit à passer toutes les étapes de leurs aventures, parfois avec pertes et fracas, mais en ressortent grandis. Tant qu’on a pu reprocher la facilité de l’épilogue écrit de Rowling, à la fois cyclique et abrupt, mais finalement très logique. Quoiqu’il en soit, les deux films Les Reliques de la Mort prouvent la constance qualitative de cette saga qu’aura été Harry Potter, tantôt belle et joyeuse, tantôt noire jusqu’à la moelle, et ce à un rythme fou de 8 films en 10 ans. Cette saga est également un accomplissement technique certain, ayant fait grandir les effets spéciaux numériques tout au long des années 2000 au niveau qu’on connait aujourd’hui. C’est aussi parce que les équipes l’ont fait intelligemment, en mixant ces CGI a des effets spéciaux en dur, faits sur le plateau. Véritable tour de force comme l’ont été les romans pour la littérature contemporaine, les films Harry Potter ont fait grandir plusieurs générations de spectateurs, et auront éduqué autant de cinéphiles en herbe à une qualité de divertissement ne choisissant jamais la facilité, comme l’a fait Star Wars en son temps. Et grâce à cette saga légendaire, véritable et excellente expérience collective, on ne sera jamais plus seuls, et Harry non plus.

JobanThe1st
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le 3 juil. 2019

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Jofrey La Rosa

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