Certainement pas Hermétique

J'imagine que ce film porte surtout l'idée d'un monde aseptisé, d'un monde où la relation virtuelle devient privilégié. Une belle critique de ce monde moderne, mais cela rend-il impossible d'aimer? L'amour véritable doit-il passer par un vecteur commun? Ne peut-il y avoir de relations amoureuses autres? N'a-t-on pas le droit de trouver l'amour comme on le veut? Je ne suis pas persuadé que ce film critique, crache, postillonne sur l'amour, certes il pose là une question, mais au-delà du fait que cet amour transcende la chair de l'homme, son intégrité physique, la question critique d'une société rongée par ses innovations prend plutôt une ampleur profondément humaine.

Trouver l'amour doit respecter des codes. Cette affirmation se poserai plutôt comme une sorte de fantaisie, on pourrait même aller jusqu'au fantasme. Comment peut-on dire que l'amour se trouve là où on le cherche, comment peut-on dire que l'amour se trouve dans une seule voie? Theodore ne se pose pas la question et laisse parler ses sentiments, et il trouve l'amour, il génère, créer, l'amour, dans une entité qui n'est pas faites pour ça à la base. On pourrait calquer cela sur quelque chose de plus récent et humain, ouvrir son coeur, si les hommes s'ouvrent ne pourrait-on pas tous créer l'amour partout et pour tous? Ce message, ce syndrome si on veut extrapoler dans une sorte d'observation plus simplement critique proche d'une envie anthropologique, voire ethnologique, l'amour chez l'homme est indéfinissable. il ne prévient pas, ne met pas en garde, n'est pas forcément voulu, ou l'est, mais surtout garde cet aspect profondément viscéral. L'homme est un être d'amour. Quoiqu'il puisse donner ou vouloir dans une relation ce sentiment, ou pressentiment, le capte dans sa chair. Et c'est là que la virtualité peut poser problème. Car comment tomber amoureux de ce qui n'est pas la chair? Demandez aux religions. L'amour dépasse les codes et se transcende dans ce qu'on pourrait définir comme une assimilation de l'être aimé.

L'amour peut être entre deux êtres humains, sur quelques plans que ces soit, amitié ou autre. Mais il peut intervenir dans des dimensions plus contre nature ou plus illicites, quoique qu'est ce qui est illicite? Je n'entrerai pas dans le débat de l'illicite mais on peut tout simplement partir de ce constat pour se demander si c'est dans notre droit de définir les codes de l'amour.

Il est évident que nombre de choses sont à proscrire il ne faut pas dépasser certains genres d'amour, c'est sur et certain le débat n'est pas à faire. Mais quand il s'agit d'entités, capables de penser et de ressentir, l'amour ne devrai pas avoir de limites. Simplement la religion catholique a pour but de louer l'amour de Dieu et de donner cet amour aux hommes. Alors c'est tout à fait critiquable, et on pourrait me dire que c'est faux, par athéisme, par je ne sais quoi, mais c'est une variante qui ne choque pas non plus. Le vrai message du film me semblerai plus être, l'amour n'a pas de limites, prenez le où il se trouve, quand il arrive, et préservez-le.

Theodore ne s'y attendait pas pourtant il l'a trouvé, à un endroit qui aurait semblé insoupçonnable. Sa situation amoureuse en perdition, lui fait se rabattre sur un être dépourvu de chair. Pourtant cet être, créé par les hommes, sorte d'intelligence artificielle prévue pour la communication. Et dans la portée l'homme, en recherche de l'interaction parfaite, ne fait que créer un être qui possède ses attributs sentimentaux. Cependant cet création dépasse l'homme, en apprenant en permanence tout ce qu'il voit, et lit, il se formate et tente de se perfectionner plus. Alors que l'homme s'enferme dans une bulle, l'intelligence se développe et se connecte. En fait la machine, moyen de communication, dans sa nature dénaturée, l'est en fait beaucoup moins que l'homme qui l'utilise. User de son intelligence en tout instant, conserver l'esprit vif voilà ce qu'il en est.

En définitive beaucoup de choses à penser, j'en ai amorcées quelques unes, mais libre à chacun de comprendre ce qu'il en veut. Et là je vais choquer, attention vous êtes prévenus pour certains ça va vous arracher les yeux, pour d'autres vous allez me haïr peut être, sans doute, mon cher Owen Flawers je ne sais pas si tu me tuera la prochaine fois qu'on se verra. Enfin je me lance, Spike Jonze, il y a du Tarkovski en toi, beaucoup même. Alors ce n'est pas le génie du réalisateur russe, impossible, mais la beauté de tes images, l'importance portée sur la face de l'homme, ses contradictions, ses histoires, ses passions, tout cela montre que l'essence originelle de ton oeuvre, l'odeur qui s'en dégage se rapproche d'un Tarkovski. Complexité, fausse piste pour mainstreamer et débateux (oh la la internet, la technologie, on est asociaux) ce n'est pas cela c'est beaucoup plus. Et pourquoi? Comment peut on critiquer en disant que ce sont les malheurs de la technologie, alors que Spike vous a fait vivre une histoire d'amour des plus sensible? Une voix et un homme, pas une once d'émotion? Theodore n'a-t-il pas été amoureux comme un homme, et "Her" non plus? Le dénouement n'est-il pas typiquement humain? On ne peut pas définir se film dans la sphère du débat de "tu te fais niquer alors je te nique". Pitié ce film vaut bien plus. Et Spike devient Andreï le temps d'un chef d'oeuvre. Parce que quelque soit le génie de l'image, de la réalisation, des acteurs (Spike peut être fier de tout ça) l'histoire est plus sensible qu'il n'y parait. Putain, regardez les images, ne faites pas d'histoires.

Petite parenthèse coup de gueule, les médias ont fait l'interprétation qu'ils voulaient, beaucoup de gens ont pensé pareil, je conseille donc de commencer la cure anti-média pour chacun en pensant ce qu'il veut. Ils ont toujours un moyen pour critiquer râler, tomber sur le dos de quelqu'un. Alors oui ils ont été dithyrambique, mais ils n'ont retenu qu'une interprétation en général(!), alors bouger vous le cerveau et sortez de ce formatage. Aimez les images, ne vous laissez pas faire. Le cinéma n'est absolument pas ça. Tous ces "critiques" à la con, laissez ça.

Retour aux choses sérieuses. La musique vraiment bien trouvée, bien adaptée, très réussie, elle accompagne parfaitement la langueur ambiante au film. Joaquim Phoenix, quelqu'un peut reprocher quelque chose à ce type? Il a toujours été un acteur génial. Un idiot dirait que c'est la rôle de sa vie, qu'il aille voir ailleurs, punaise quel hipster. Ce mec a toujours été bon, Spike Jonze le sait, donc il prend pour son film et forcément sa joue bien. Joaquim Phoenix est un acteur XXL, très fort, il n'est pas stéréotypé, très inspiré. On ressent ce que son personnage exprime, on peut se mettre à sa place, par la retenue de Theodore. A voir en VO, car Scalett Johansson, qui a une plutôt bonne présence, après, hormis le fait qu'elle ait une belle voix (pour une anglophone) ben c'est Joaquim qui est seul. En somme Joaquim Phoenix, grosse présence, un charisme ouf pour un personnage qui n'en a pas c'est un comble, mais en fait il s'agit tout simplement de remplir cet espace entre nous et le film, et la présence, l'énergie, voire même la conviction de Joaquim Phoenix transcende ce personnage sans prétention et réservé, faible même. Une justesse d'interprétation juste hallucinante.

Re coup de gueule désolé là ça me vient, les Oscars et les Césars c'est de la foutue merde. Alors ok je pense que Mathew McGonaughey (désolé pour l'orthographe) le mérite, et Di Caprio aussi enfin, là n'est pas le débat. Joaquim n'était même pas en lice, gros foutage de gueule, pour être poli. Enfin, regardez ces trois immenses acteurs, et après dites moi honnêtement en me regardant dans les yeux, sans me mentir que Jean Dujardin a eu un Oscar pour un film muet ( chose totalement grotesque et mainstream dégueulasse) , dites le moi. Putain de palmarès, c'est pire que la Légion d'honneur.

Pour finir je voulais revenir sur les images. Spike Jonze montre l'étendue de son talent, formaté en tant que vidéaste. Réalisateur de clips, notamment pour Daft Punk (des clips géniaux) et Fatboy Slim (des clips géniaux, le retour), notamment un avec Christopher Walken juste excellent. Bon certes c'est pas son passage chez Jackass qui a trop aidé. Mais ça donne une idée de la nature du type. Les images sont sensationnelles, elles émeuvent autant que les mots et les performance, sans cesse amené avec douceurs, couleurs. En parlant de couleurs, une palette de couleurs rouges, taupes, grises, de la chaleur ensoleillée, du feu, du réconfort, s'il y a une idée de la solitude c'est là, puisque ces couleurs visent le réconfort, et cherchent à chasser la solitude. Un savant montage des images, pas au niveau de Tarkovski mais dans une sorte de continuité sensible, travailler les images c'est travailler votre regard. Votre regard aiguisé, il est plus facile de sentir sans la barrière de l'essence filmique, c'est à dire le manque d'une tenue physique et d'odeurs. Pourtant on peut le ressentir grâce aux images que Jonze monte.

Au final, Her est un film somptueux, inspiré, transcendé par Joaquim Phoenix, embelli par le génie de Jonze. L'histoire est ce qu'elle est, renvoie à pleins de choses, mais comme on peut sentir, chacun doit faire avec son sentiment, n'ayez pas peur d'imaginer, mais surtout de voir et de sentir.
TheDuke
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le 24 juin 2014

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TheDuke

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