Situation amoureuse : en couple avec Cleverbot

Prochainement et à l'affiche de vos cinémas : Nymphomaniac, l'histoire d'une femme qui est nymphomane. Gerontophilia, l'histoire d'un garçon gérontophile. Apprenti Gigolo, l'histoire d'un gars que Woody Allen prostitue. La Crème de la Crème, l'histoire d'étudiants en commerce qui prostituent des filles.

Au milieu de ça, Her : l'histoire de Theodore Twombly, divorcé, blessé, paumé, qui va retrouver l'amour auprès d'un... ordinateur. Et encore, la dénomination est grossière : c'est bien auprès d'une intelligence artificielle type Siri (oui, Siri, l'entité la plus froide et la plus débile jamais créée) que le moustachu va retrouver la joie d'éprouver de l'amour.

Alors sur le papier, c'est surprenant, mais surtout très bizarre. Ma mère, que j'ai eu au téléphone juste après être sortie de la salle et à qui j'ai parlé du film, m'a lâché un de ses "ohlala", qui traduisent son effarement quant au pitch et son incompréhension quant à l'énorme sympathie que je lui porte. Malgré tout, ne t'en déplaise, Maman, c'est sûrement l'histoire d'amour la plus saine projetée actuellement dans nos salles obscures. Mais je te concède qu'il y a quand quand même de quoi flipper.

Qu'elle soit esthétique ou scénaristique, la beauté est présente. C'est coloré, l'OST d'Arcade Fire a ce petit côté futuriste vivant que dégage le film en général... Du point de vue de la réalisation, non, il n'y a strictement rien à dire. Pareil pour le développement de la relation entre Theodore et Samantha, qui n'est pas conventionnelle, on l'aura compris, mais qui est véritablement assumée comme telle. Les normes qui règlent les relations sentimentales traditionnelles ne régissent plus. Si le couple, surtout Samantha qui souffre du complexe de la Petite Sirène, tend à les retrouver et à les appliquer, il se heurte sans cesse et finit par lâcher prise et accepter la nature de leur relation, malgré le regard des autres (qui est plutôt conciliant, il faut bien l'avouer, mais je vais y revenir). Franchement, un tel parti pris, c'est juste intelligent.

La performance des acteurs dessert bien les intentions du film. Les voilà eux aussi dans des rôles inattendus : Joaquin Phoenix, catalogué dans l'imaginaire du spectateur dans des rôles assez durs (merci Gladiator), incarne le rôle d'un homme sensible et infiniment gentil. Amy Adams a délaissé son petit air de princesse pour devenir la girl next door la plus banale qui soit. Et enfin, Scarlett Johansson, adulé par bon nombre de spectateurs (mâles) pour sa plastique, n'est résumé qu'à une voix, mais quelle voix ! Si Samantha n'a pas de corps, c'est bien Johansson qui lui donne une âme et honnêtement, rien que pour ça, elle aurait dû être nominée à l'Oscar de la meilleure actrice !

Donc oui, c'est beau. Je dirais même plus : c'est sublime. Mais Jonze ne se montre pas pour autant aussi complaisant que cela avec ce que l'intrigue principale raconte. Ce qu'il montre bel et bien, et ce dès les premières minutes du film, c'est l'isolement des êtres renforcé par la technologie. Ce sont ces gens qui communiquent énormément, mais avec leurs appareils. On ne répond plus aux messages, c'est l'intelligence artificielle qui s'en charge. Le sexe se fait chacun de son côté, avec comme intermédiaire son smartphone. Et le pire dans tout ça, c'est que c'est globalement accepté. Il n'y a aucun problème à troquer les relations sociales avec ses pairs pour devenir ami (ou plus si affinités) avec son OS. Et au final, ceux qui s'ouvrent le plus, ce sont bien les intelligences artificielles. Dans le couple Samantha-Theodore, c'est elle qui le pousse à accepter de rencontrer certaines personnes, c'est elle qui va à la rencontre des autres.

Alors Maman, ne pense pas que maintenant, tu m'entendras échanger des mots d'amour avec mon téléphone ou mon ordinateur. Au contraire, à présent, c'est presque avec une sorte de culpabilité que je me permets de jeter de temps à autre un oeil distrait aux messages que je reçois. Parce que le futur proche dans lequel se passe Her, on baigne déjà dedans.

Créée

le 29 mars 2014

Critique lue 530 fois

27 j'aime

Nolwenn-Allison

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