C’est une bien belle moustache que voilà ! À la vue de l’affiche du film Her, j’étais déjà séduit. Hop, lecture rapide du synopsis, un hispter du futur en mal d’amour ne parvient pas à combler le gouffre sentimental causé par son actuel divorce et noue rapidement une relation amoureuse ambigüe avec un OS à l’intelligence artificielle évolutive très développée. Des moustaches et de la science fiction imprégnée de design interactif, le tout dans la plus dramatique des romances ? J’en ai les poils pubiens qui frétillent ! Je ne sais pas si je m’étais façonné un idéal du film que je voulais voir ou bien si c’est la combinaison trompeuse synopsis / bande-annonce qui m’a perturbé, mais j’ai vu tout autre chose de ce à quoi je m’attendais.

Globalement le film est bon, il est sincère et touchant, le sujet abordé n’est pas des plus original mais le réalisateur parvient à se le réapproprier sans difficulté. Le jeu d’acteur est efficace, Joachim Phoenix est transpirant d’émotions et certains passages me paraissaient même improvisés au feeling tant le coeur y était. S’étendre et se justifier d’une relation avec une intelligence artificielle programmée n’est pas chose facile sans passer par un peu de physique quantique, ''être ou ne pas être'', ‘’est-ce que l’amour peut traverser la frontière du tangible ?’’, ‘’Jusqu’où peut-on considérer artificielle une relation avec une intelligence extrêmement évoluée ?’’, ‘’A-t’on suffisamment de courage et de recul sur soi-même pour concevoir une union non calquée sur l’idéal de l’homme ?’’. Là encore le film s’en sort plutôt bien puisque il nous dépeint une relation profonde et pleine de réflexion, riche en philosophie, et ponctuée de dialogues consistants et percutants.

Or certaines choses m’ont bloqué durant mon visionnage. En effet, bien que ce film privilégie le fond du propos, il en oublie de nous en donner la forme, même succincte. Dès le début le contexte est très peu développé et fait un peu défaut. Aucun élément ne permet de définir une époque précise, seules quelques présentations d’interfaces développées totalement intégrées à la société humaine nous permettent de déduire que nous sommes dans un futur plus ou moins lointain. Ce qui est fortement dommage puisque pour que la magie du drame puisse opérer, il nous faut des repères spatio-temporels et sociaux pour établir une réelle connexion et partager complètement le ressenti du personnage. Ces repères auraient pu aussi permettre de négliger quelques questionnements qui nuisent au réalisme du film. Comment un OS aussi développé et capable de s’adapter à son utilisateur peut être commercialisé au grand public sans qu’aucune trace d’intelligence dotée de conscience soit présente ailleurs ? À force de trop vouloir servir un même propos on en oublie de s’attarder sur des questions de logique morale et donc de crédibilité. J’ai eu beaucoup de mal à me faire à la voix de Samantha, bien trop réaliste à mon goût. J’en ai perdu la pitié que je ressentais pour le personnage. De plus, on apprend rapidement que ce cas de figure (établir une relation avec un OS) est assez fréquent et que des solutions existent pour en faciliter la vie. Dès lors, le personnage, que l’on pensait perdu dans une aventure romancière dramatique, qui le mènerait indéniablement à une impasse à laquelle il ne pourrait peut-être pas faire face, force moins l’empathie, finalement nous sommes presque rassurés. Et moi je n’aime pas qu’on me rassure, je veux de la souffrance, de la solitude, de l’incompréhension, une histoire sans solution, un exercice facile pourtant pour Joachim..

Le plus triste pour moi ici est que je donne à ce film la note de 7/10, note habituellement attribuée un peu par défaut à tous les films assez classiques, banals, sans prétentions, ni trop bons ni trop mauvais, à voir au moins une fois car sympas à regarder, mais qui ne marqueront pas l’histoire du cinéma; alors que dans le cas présent c’est totalement différent. Her est un très bon film qui parvient subtilement à retranscrire les émotions des personnages. Seulement trop d’éléments perturbent la tension dramatique et empêchent le spectateur d’atteindre son apogée émotionnelle. Nous restons bloqués au palier de tristesse et pitié à l’égard du personnage, sans souffrir pour autant pleinement de sa solitude. Une belle histoire en somme qui nous transporte dans un monde de sincérité, un monde où l’on s’efforce de mettre des mots sur des ressentis, des impressions, des émotions, même à travers l’unité abstraite d’une conscience omniprésente dans l’ordinateur. Plus une belle leçon de vie qu’un drame, c’est avant tout une histoire qui remet en cause les relations humaines et les rapports sociaux subsistant entre l’homme et son interface machine.

Petit coup de coeur donc.

+5pts pour le look hipster rétro pas encore mainstream dans le futur.
+2pts pour le design des interfaces utilisateurs présentées.
+4pts pour le petit bonhomme qui insulte le joueur dans le jeu de Theodore.
-3pts pour avoir mis un vent à Olivia Wilde, parce que merde, Olivia Wilde…
-1pt pour la voix sexy de Scarlett Johansson sans avoir pu l’apercevoir.
MatthieuFillion
7
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le 18 sept. 2014

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